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l’établissement d’orphelins dirigé par le père Brumauld ; mais il est à regretter qu’on n’ait pas cherché à récompenser les éminens services rendus par le révérend père et à le mettre à même d’en rendre de plus grands encore, sans nuire aux intérêts d’une population qui, elle aussi, a bien mérité, et sans manquer à des engagemens sur la foi desquels elle avait travaillé jusqu’ici. La superficie totale du territoire de Boufarik, ville et campagne, est de 1,409 hectares. L’adjonction de Sidi-Abed y en eût ajouté 500.

De Boufarik à Beni-Mered, il y a deux petites lieues. C’était là que nous devions rencontrer le système de colonisation du maréchal, celui que ses brochures et ses discours essayaient de faire prévaloir devant les chambres et devant le pays. Il faut dire à son honneur que si, sur ce chapitre, il était absolu et tranchant dans ses idées, il était on ne peut plus tolérant dans la pratique. Pour ce qui touchait aux systèmes de colonisation, il semblait, comme gouverneur général, n’en avoir épousé aucun. Il avait ouvert la lice à tout le monde, et ne s’était réservé que le droit de concourir. Ainsi, outre les systèmes du général Bedeau et surtout du général Lamoricière, qui s’était fait chef d’école dans sa province, il y avait dans la province même d’Alger, et sous les regards immédiats du maréchal, le système du comte Eugène Guyot, directeur de l’intérieur et de la colonisation. Ce système, qui a produit la grande majorité des villages, consistait à admettre les colons riches ou pauvres, à leur livrer sur place, pour une somme de 6 à 800 francs ou souvent à titre gratuit, les matériaux de construction d’une maison que chacun élevait à sa guise sur le lot qui lui était concédé. On leur prêtait en outre, autant qu’on le pouvait, des bœufs pris dans les parcs de l’administration militaire, des moutons de même origine, dont la laine et le croit restaient au colon, tenu seulement de représenter, lorsqu’il en était requis, un même nombre de têtes et un poids de viande sur pied égal à celui que les parcs lui avaient fourni. Diverses subventions en nature pour les semailles ou pour la subsistance du colon et quelques défrichemens opérés par l’administration complétaient les moyens d’assistance que le gouvernement mettait à la disposition du colon. Tous ces villages étaient protégés par un fossé d’enceinte et son revêtement, qui leur permettaient de se défendre contre une brusque irruption d’Arabes.

Un autre système était celui du colonel Marengo, qui livrait la maison bâtie et un certain nombre d’hectares défrichés. Ce nouveau mode s’adressait à des colons présumés plus riches. Ils trouvaient, en arrivant, le village tout construit et n’avaient qu’à s’installer, en payant 1,500 francs ou 3,000 francs, selon qu’ils prenaient une maison par moitié ou en entier. Toutes les maisons, bâties uniformément sur un égal espace de terrain, étaient en effet doubles, c’est-à-dire disposées de manière à pouvoir contenir deux ménages. Les maisons étaient rigoureusement alignées et espacées. L’intervalle qui les séparait devait servir de jardin, et chaque jardin se trouvait, comme la maison, coupé en deux parties égales, suivant l’axe qui partageait la façade. Cette uniformité géométrique rappelait peut-être un peu trop les habitudes militaires et donnait aux villages un aspect où manquait l’expression de la vie et de la spontanéité. Il y en eut trois bâtis sur ces données : Saint-Ferdinand, Sainte-Amélie, et, sur le trajet de l’un à l’autre, un hameau nommé le