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d’indignation, fut déclarée calomnieuse à l’unanimité, au milieu des plus vifs applaudissemens, et quelque temps après la convention, pour donner une preuve encore plus éclatante de la pureté de son sans-culottisme, décréta que les cendres de Marat seraient portées au Panthéon, car, il est bon de s’en souvenir, ce n’est pas la convention asservie et courbée sous le joug qui a commandé cette inepte apothéose, elle l’a votée en toute liberté, plus d’un mois après thermidor.

Mais Lecointre ne s’était trompé que de date. Dès la fin de septembre, la discussion qu’il avait prématurément provoquée se réveilla brusquement et prit un tout autre caractère. Les membres des anciens comités, réduits à la défensive, n’obtinrent cette fois qu’à grand’peine un ordre du jour pur et simple. Que s’était-il donc passé? La lumière s’était faite; la presse était devenue libre, ou plutôt, comme le dit M. de Barante, les journalistes qu’on ne guillotinait plus s’étaient peu à peu enhardis, avaient repris leur plume, et racontaient les actes de la terreur. Les jacobins s’imaginèrent d’abord qu’ils allaient disposer de la presse comme par le passé; mais cette arme dont ils avaient tant usé, qui leur avait donné tant de victoires, était maintenant aux mains de leurs ennemis. Dans la guerre de journaux, la chance n’était plus pour eux : le public ne prenait plaisir qu’au récit de leurs crimes. Paris, qui depuis près de deux ans, depuis que les journaux étaient muets, n’avait presque rien su des souffrances de la province, en accueillait avec avidité les tardives révélations. Chaque jour, dans les lieux publics, la lecture des journaux provoquait de bruyantes clameurs. Les provinces de leur côté prenaient courage et commençaient leurs confidences. De toutes parts pleuraient des plaintes, des dénonciations, des suppliques, des adresses. La convention en recevait chaque matin des liasses dont la lecture faisait horreur.

Bientôt ces récriminations prirent un caractère encore plus solennel : les récits des journaux, les plaintes des victimes se transformèrent en documens authentiques et judiciaires. Le droit de défense venait d’être rendu aux accusés; les avocats étaient rentrés en exercice; un procès mémorable, le procès des Nantais, qui dura près d’un mois, mit au jour et démontra par pièces irrécusables toutes les turpitudes, toutes les atrocités du régime révolutionnaire. Une indignation générale éclata contre les représentans qui avaient commis ou autorisé ces forfaits, contre Carrier, l’inventeur des noyades de Nantes; contre Lebon, le massacreur d’Arras; contre d’autres encore non moins compromis, quoique plus obscurs. Il devenait presque impossible que ces hommes continuassent de siéger sur leurs bancs. La convention ne pouvait se le dissimuler, mais comme à aucun prix