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à être éprouvés par les maladies. Sous ce rapport, les années 1846 et 1847 furent aussi désastreuses que les précédentes. C’est dans l’hiver commun à ces deux années que j’en ai vu pour mon compte mourir onze en peu de mois. La plupart des autres avaient une santé bien chancelante, et beaucoup ne passèrent pas l’hiver de 1847 à 1848.

Ce fut alors que moi-même je payai mon tribut. Une inflammation du foie, de l’estomac et des entrailles, contractée à Staouéli même, me mit aux portes de la mort, me retint trois mois au lit et trois mois en convalescence. Je fus admirablement soigné par deux religieux, le père et le frère hôteliers, qui, malades eux-mêmes, furent néanmoins toujours l’un ou l’autre présens à mon chevet tant qu’il y eut du danger. Ce n’était pas sans doute un des moindres prodiges de la foi religieuse que de voir deux santés ruinées user ce qui leur restait de forces à veiller de longues nuits près d’une vie agonisante. La convalescence, qui est encore une maladie, prêta une voix inaccoutumée à la reconnaissance et à l’admiration dont j’étais pénétré pour ces hommes évangéliques. Je ne leur ai point fait entendre cette voix, car ce n’est point de là qu’ils attendent leur récompense, et ces futilités mondaines ne sont pas faites pour eux; mais si, devant le monde, cette voix peut rendre témoignage, sinon à la gloire des trappistes, du moins à la gloire de la croix, qu’ils portent avec tant d’amour et qui les élève si haut au-dessus d’eux-mêmes, pourquoi ne pas dire au monde ce que je ne leur ai pas dit à eux ? Voici donc comment de ma couche, que je ne quittais guère encore, Je parlais au père hôtelier :

J’étais au lit, vous le quittiez à peine;
J’étais à bout, vous étiez faible encor;
Mon sang pâli tarissait dans ma veine,
La fièvre blême, hôte de cette plaine.
Avait du vôtre appauvri le trésor.

Et, près de vous, morne, en butte à la ligue
De tous les maux que puisse réunir
Ce climat d’or, — il en faut convenir, —
Je languissais plus que tous... La fatigue.
Les dégoûts, rien ne vous put prémunir
Contre une ardeur que Dieu devait bénir.
Vos soins ont mis à mon mal une digue;
Je n’en sais point qui vous pût retenir
Quand vous ayez œuvre pie à fournir.
En vous voyant, de vous-même prodigue.
Suffire à tout, préparer et finir.
Porter, monter, descendre, aller, venir,
Tout deviner, prévenir tout, que sais-je ?
Combien de fois tout bas j’ai souhaité
De dispenser la force et La santé !

Mais, hélas ! que vous donnerais-je.
Quand vous avez la charité !

L’établissement de la Trappe à Staouéli a été la providence de cette route de Koléah par le Sahel et des villages des environs. Les mains de ces hommes.