Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/501

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mettaient à dresser procès-verbal contre le colon qui, pour franchir une différence de niveau entre son champ et la route, s’avisait de placer, sans autorisation préalable, quelques planches en travers. Ainsi l’administration des ponts et chaussées était absente pour entretenir ses routes, mais elle était présente pour ajouter des vexations aux fondrières et aux précipices qui les rendaient impraticables. Les colons avaient pourtant bien assez d’empêchemens et de difficultés à vaincre.

Je reviens à Maëlma, ou plutôt au récit de notre excursion, interrompu par des souvenirs qu’il m’était difficile de négliger en parlant de ce village. De Maëlma, M. de T… et moi allâmes coucher à Koléah après avoir visité le village d’Aïn-Fouka, situé au-delà de cette ville, sur le bord de la mer. Fouka est assis au haut de la côte en pente douce dont le bas est orné par ces vingt baraques si bien alignées qui devaient constituer le village maritime de Notre-Dame-de-Fouka. Aïn-Fouka est le troisième village fondé dans le système militaire du maréchal. Nous n’avons plus à y revenir. Mieux placé que Maëlma, moins bien que Beni-Mered, il était moins malheureux que le premier, mais bien éloigné de la brillante prospérité de l’autre. Nous visitâmes à Koléah le camp, le jardin des officiers, qui est un jardin délicieux, et enfin la mosquée et le tombeau des Embarek, famille sainte, puissante et illustre parmi les Arabes. Le dernier Embarek a été khalifa d’Abd-el-Kader. Des légendes pieuses et miraculeuses se rattachent à l’histoire de cette famille. Certaines reliques, telles qu’une chaîne de captif, avec son collier en fer, attestent aux yeux des indigènes la vérité de ces légendes. La mosquée et ses dépendances sont aujourd’hui en partie envahies par l’hôpital. Koléah domine de très haut la plaine dont il est séparé par le Mazafran, où l’on descend en contournant un massif de collines dont la plupart sont très boisées. Cette verdure de bon aloi, et plus élevée que la tête de l’homme, repose l’œil de la vue éternelle des broussailles. Nous quittâmes Koléah de bon matin, traversâmes le Mazafran à gué, et prîmes à travers champs la direction de Blida, la route droite qui existe actuellement entre cette ville et le gué de Koléah n’étant pas encore faite alors.

Nous avions pris un guide arabe qui nous aida beaucoup pour la traversée du Ferguen, vaste marais qui confine au Mazafran ; mais une fois arrivés au fossé de l’obstacle continu, immense folie exécutée dans les premières années de l’occupation et qui est un plagiat de la muraille de la Chine, notre Arabe nous dit eu étendant le bras : Rôah ! guebala, guebala ! — Allez ! tout droit, tout droit. — Après avoir longtemps suivi le parapet du fossé, nous nous aperçûmes que ce n’était point notre compte, et qu’il nous jetait beaucoup trop à droite, du côté de Boufarik. Voulant atteindre Blida par les villages de Joinville et de Montpensier, nous nous orientâmes alors, autant que nous le pouvions sans boussole, le nez de nos chevaux sur Blida, priant Dieu de nous épargner les marais qui nous barreraient le chemin et les ruisseaux encaissés dans des berges à pic. Un pli de l’Atlas, que nous prenions pour la gorge de l’Oued-el-Kebir, nous servait d’étoile polaire. Nous avions bien remarqué le matin, en descendant de Koléah, dans quelle position Blida se trouvait par rapport à certains grands enfoncemens remplis d’ombre ou à certains reliefs baignés de lumière. Malheureusement le soleil, en changeant