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précepteur d’Alexandre, le grand seigneur macédonien, s’exprime ainsi : « Bien des fois, ô Alexandre ! la philosophie m’a paru quelque chose de divin et de surnaturel, surtout lorsque seule, osant s’élever à la contemplation de la nature des êtres, elle a voulu dans cette partie chercher la vérité…… Le monde (cosmos) est l’ensemble du ciel et de la terre, et de toutes les substances de toute nature qu’ils embrassent l’un et l’autre. Ce nom de cosmos est dérivé de l’ordre et de l’arrangement de tous les êtres sous l’empire de la Divinité et sous sa conservation immédiate. »

Ce qu’Aristote appelle philosophie est ce que nous appelons science, et surtout la science appliquée à la connaissance de l’univers matériel. Tel est aussi le plan du livre de M. de Humboldt : c’est la contemplation du monde physique, non-seulement dans les lois qui le régissent, mais encore dans ses rapports avec l’homme comme habitant du monde, et avec l’âme comme percevant des sensations artistiques et métaphysiques au spectacle de l’univers.

C’est principalement au début de son ouvrage que M. de Humboldt a développé la grande idée qui en constitue l’individualité. Il y montre pour ainsi dire l’âme universelle de l’humanité grandissant avec la connaissance du monde et les conquêtes des sciences depuis la navigation des Argonautes jusqu’à celles de Christophe Colomb et de ses successeurs, depuis les premières contemplations astrologiques du ciel jusqu’à la science astronomique du XIXe siècle, depuis les informes et superstitieuses notions météorologiques des premiers âges jusqu’à l’établissement des observatoires météorologiques du monde entier, qui nous révéleront un jour ce que dans chaque contrée, chaque année, chaque saison, on doit attendre de jours chauds et froids, sereins ou pluvieux, calmes ou agités par les vents, avec d’utiles prescriptions pour les cultures, les récoltes, les travaux publics, les transports de subsistances, les voyages, l’hygiène publique, enfin tout ce qui constitue les mille rapports du climat avec l’homme.

C’est donc un exposé général des lois et des faits de la nature entière que nous offre le Cosmos dans sa première partie. « La nature, considérée rationnellement, dit M. de Humboldt, c’est-à-dire soumise dans son ensemble au travail de la pensée, est l’unité dans la diversité des phénomènes, l’harmonie entre les choses créées dissemblables par leur forme, par leur constitution propre, par les forces qui les animent; c’est le Tout (le grand Pan) pénétré d’un souffle de vie. Le résultat le plus important d’une étude rationnelle de la nature est de saisir l’unité et l’harmonie dans cet immense assemblage de choses et de forces, d’embrasser avec une même ardeur ce qui est dû aux découvertes des siècles écoulés et à celles du temps où nous vivons,