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tout court. À cette inconvenance correspond gracieusement celle qui consiste à appeler deux valets galiciens, l’un L’Éveillé, c’est-à-dire el Despierto, et l’autre La Jeunesse, c’est-à-dire La Jucentud, noms qui appartiennent à la soldatesque française, ou à des domestiques de quelque hôtel de Paris, et non point à des valets galiciens, qui d’ordinaire s’appellent Domingo ou Farrucho. Il est certain qu’un L’Éveillé et un La Jeunesse font avec un docteur Bartholo l’assemblage le plus réjouissant.

« Malgré tous ces défauts et beaucoup d’autres également grossiers sur lesquels je ne m’arrête pas, parce que, pour les relever, il faudrait un épais volume, cette comédie, très applaudie à Paris et dans toute la France, est une des comédies modernes qui ont eu le plus de succès et se jouent le plus fréquemment. On doit en conclure que partout il y a un public vulgaire qui approuve les choses absurdes, et se passionne pour les ouvrages qui ont le moins de mérite. »


Quel terrible homme que ce pédant espagnol ! Quel fanatique amour de la vraisemblance ! On ne se douterait guère que cette critique nous vient du pays qui a produit les héros de tragédie ou de comédie

Enfans au premier acte et barbons au dernier.


Il est probable que si Beaumarchais a jamais lu ce foudroyant réquisitoire de La Huerta, il se sera contenté de recopier pour lui et de lui envoyer ce passage de la préface du Barbier de Séville : « Des connaisseurs ont remarqué que j’étais tombé dans l’inconvénient de faire critiquer des usages français par un plaisant de Séville, à Séville, tandis que la vraisemblance exigeait qu’il s’étayât sur les mœurs espagnoles. Ils ont raison ; j’y avais même tellement pensé, que, pour rendre la vraisemblance encore plus parfaite, j’avais d’abord résolu d’écrire et de faire jouer la pièce en langage espagnol ; mais un homme de goût m’a fait observer qu’elle en perdrait peut-être un peu de sa gaieté pour le public de Paris, raison qui m’a déterminé à l’écrire en français. »

Après avoir ainsi écrasé le Barbier de Séville dans la préface d’un des volumes de son Théâtre espagnol, La Huerta annonçait pour un prochain volume une critique du Mariage de Figaro ; mais, au moment d’aborder cette tâche, il y renonce parce que la pièce est, suivant lui, trop méprisable dans toutes ses parties.


« Cette comédie est, dit-il, une continuation de la comédie du Barbier de Séville, elle est conçue dans le même esprit, et nous y retrouvons tous les personnages de cette dernière, excepté les deux Galiciens si bien baptisés La Jeunesse et L’Éveillé[1] ; mais les défauts du Mariage de Figaro sont beau-

  1. On voit que La Huerta ne peut pas digérer les deux faux Galiciens. Cependant il y a dans le Mariage de Figaro le nom de Grippe-Soleil, jeune berger andaloux, qui