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— J’ai été retenu par un ami, dit Francis en s’excusant, et d’ailleurs j’habite un peu loin.

— Tous vos amis sont ici, arrivés avant vous, continua Lazare, et par conséquent aucun n’a pu vous retenir.

La séance levée, Francis se retira assez froidement.

— Et vos commandes ? lui dit Antoine en le reconduisant.

— Mais, dit Francis, je ne les ai pas reçues, et je le regrette. Mon cher Antoine, quand vous verrez la princesse, tâchez donc de savoir au juste quelles sont ses intentions à mon égard.

— J’attends moi-même qu’elle me fasse prier de retourner chez elle, car elle n’a pas encore repris ses leçons, dit Antoine.

Quinze jours après cette soirée, c’est-à-dire un mois jour pour jour après l’interruption de ses leçons, Antoine reçut de la princesse un billet de forme affectueuse, mais qui renfermait un remerciement définitif. Le prix de douze cachets accompagnait cet envoi. Comme elle était arrivée précisément pendant l’absence d’Antoine, la grand’-mère avait distrait quelques francs de la somme qu’elle supposait être le paiement d’un travail. Dans la journée, Antoine avait précisément été voir Francis, auquel il voulait emprunter une gravure. Francis venait de rentrer au même instant ; il était vêtu avec beaucoup d’élégance. Une paire de gants blancs était posée sur un meuble. Antoine n’avait pas encore dit un mot, que son odorat fut saisi par le subtil parfum de l’essence de rose.

— Est-ce que vous êtes allé à Constantinople depuis qu’on ne vous a vu ? demanda-t-il à Francis. — Et, s’étant approché de celui-ci, il reconnut que ce pénétrant parfum se dégageait de ses vêtemens. — Vous avez un babil qui sent la commande, ajouta le buveur d’eau.

— C’est vrai, répondit Francis… J’ai reçu des nouvelles.

— Moscovites ? interrompit Antoine… Et la princesse vous a-t-elle dit si elle reprendrait bientôt ses leçons ?

— Demain, murmura Francis.

Ce fut en rentrant chez lui qu’Antoine trouva la lettre de remerciement. Il devint très pâle quand on lui montra l’argent, et entra dans une véritable fureur en s’apercevant que la somme était entamée d’une douzaine de francs.

— Il faut renvoyer cet argent tout de suite, avait dit Lazare, qui se trouvait en ce moment chez Antoine, et répondre à cette dame qu’un artiste n’est pas un domestique à qui on donne un mois de gages en le renvoyant. Bien que cela soit contre les règlemens, s’il me restait de l’argent en caisse, je te l’aurais donné ; mais je suis à sec.

— C’est aujourd’hui le 1er novembre ; Olivier et Léon recevront leurs appointemens : nous leur emprunterons, dit Paul.

— Malheureusement, reprit Lazare, c’est aujourd’hui fête de la