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locale, et ses membres ne sont plus les députés de la nation danoise, mais seulement du Jutland et des îles. La constitution de 1849 avait bien, à la vérité, réservé ce qui concernait le Slesvig, et de la sorte les députés des dernières chambres ne représentaient pas ce duché. Il y avait eu à cette exception de bonnes raisons : les Allemands occupaient le duché, et il était sage de ne pas régler son gouvernement pendant qu’il était en révolte ouverte ; mais depuis lors est-ce que le Danemark n’avait pas reconquis cette province, et quel autre prix les insurgés eussent-ils attendu de leur succès que de voir ce duché séparé par ses institutions du royaume de Danemark ? Restreinte dans l’étendue de son action, la diète de Copenhague, on n’ose plus dire la diète danoise, est destinée à perdre une grande part de son autorité et de son indépendance ; elle ne se réunira plus, suivant le projet du ministère, que tous les deux ans, et les fonctionnaires élus ne pourront siéger qu’après avoir été acceptés par le roi. Une nouvelle loi électorale viendra enfin diminuer le nombre de ses membres et limiter les conditions du suffrage.

Le Danemark aura-t-il acheté du moins par un si grand sacrifice une véritable indépendance à l’égard des grandes puissances qui l’environnent ? Non, l’influence de la Russie y est désormais considérable, et elle pèsera longtemps sur lui ; dans le cas éventuel d’une guerre européenne, le Danemark serait nécessairement lié à la Russie : il n’est personne qui en doute dans le Nord. L’intervention allemande est-elle seulement éloignée ou annulée par celle de la Russie ? Pas davantage, car le Slesvig, rapproché du Holstein, nous l’avons déjà fait voir, est une proie plus facile à l’invasion du langage et de la propagande de l’Allemagne. En vain la brutale agression de l’Allemagne a-t-elle été repoussée par les armes ; grâce à une diversion puissante, elle atteindra, quoique vaincue, le but vers lequel ont tendu ses efforts. Aujourd’hui même, au moment de la réunion des états provinciaux dans les deux duchés, le prince de Noër et d’autres chefs de l’insurrection slesvig-holsteinoise sont à Hambourg ; les grands propriétaires du Holstein ont enfin conservé avec leurs richesses une bonne partie de leurs privilèges, et ils ont recouvré leur ascendant passé.

Mais ce n’est pas tout, et la crise que le Danemark vient de subir laisse encore après elle une source funeste d’embarras intérieurs ; je veux parler du compte qu’il faudra régler avec les Amis des paysans et du prix qu’ils demanderont pour leur éphémère alliance. Fondée en 1844 dans la seule intention de hâter l’accomplissement des réformes relatives à l’agriculture et à la constitution de la propriété, l’association des Amis des paysans n’a pas résisté à l’effervescence politique de 1848. Ses chefs, MM. Tscherning, B. Christensen et