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paternelle pour aller faire la guerre et le jour où il mourait à Genève à quatre-vingts ans, il n’a point cessé de lutter. Caractère étrange par sa fougue et son énergie, nature indépendante et fière, soldat et familier du roi de Navarre avant qu’il devint Henri IV, religionnaire inflexible, d’Aubigné était encore un écrivain, — écrivain heurté et violent dans les Tragiques, ingénieux et mordant dans le Baron de Fœneste. Une sorte de mélancolie émouvante se révèle dans les derniers vers peu connus qu’il écrivait à Genève, avant de mourir, sur la fuite des ans et sur sa mort prochaine. Qui eût dit à ce fier religionnaire que de son propre fils naîtrait la personne qui devait le plus contribuer à la révocation de l’édit de Nantes, — Mme de Maintenon ?

Ce n’est donc point le relief qui manque à un tel personnage. Seulement l’auteur du drame nouveau, M. Foussier, se heurtait ici contre un de ces inconvéniens dramatiques que nous signalions récemment, celui de fare agir et parler un homme qui a eu lui-même son style empreint de la plus forte originalité, comme tous ses actes portent la marque de son caractère. Otez à d’Aubigné ses libres et indépendantes familiarités avec Henri IV, le relief vigoureux de sa nature, ses saillies impétueuses ; que restera-t-il ? Il restera le d’Aubigné du drame nouveau, jeté dans une intrigue ordinaire. Or la fiction a le malheur de ne point égaler l’histoire. La vraie figure qu’on connaît apparaît à chaque instant derrière le personnage imaginé par l’écrivain. M. Foussier a incontestablement inventé quelques bonnes scènes nouées avec un art réel, il a semé dans son drame des vers ingénieux et vifs, plus d’une fois l’instinct dramatique et poétique éclate en un mot dans Une Journée d’Agrippa d’Aubigné ; mais dans le style même n’y a-t-il point une trop visible affectation des formes essayées par le drame moderne, et qui ont si singulièrement vieilli en peu d’années ?

Sans prétendre rivaliser avec le Théâtre-Français, il estime autre scène qui n’en a pas moins son attrait littéraire aujourd’hui, et qui a obtenu un double et long succès avec un proverbe de M. Octave Feuillet, le Pour et le Contre, et la dernière comédie de Mme Sand, le Pressoir : — c’est le Gymnase. Le charme du proverbe de M. Feuillet, c’est qu’il vous fait assister à quelque chose de très rare au théâtre, à une véritable conversation ingénieuse et piquante, naturelle et animée. Il semble que ce soit bien facile de faire parler des personnages, et cependant là peut-être plus encore que dans l’invention est l’écueil de la plupart des écrivains dramatiques. Quant au Pressoir, on le sait déjà, c’est encore une étude de paysans. En elle-même, l’étude est délicate et fine, et la délicatesse va peut-être ici jusqu’à la subtilité, — subtilité dans les sentimens comme dans le langage. Mais ne faut-il point convenir aussi que ces paysans ont lu les romans de Mme Sand ? Ils s’en sont nourris, et cela est d’autant plus surprenant, qu’ils vivaient au XVIIIe siècle, époque où le Pressoir nous ramène. La comédie, de Mme Sand ne se soutient pas moins par la grâce des détails et l’originalité de quelques caractères.

Rentrons dans la politique et dans l’histoire des divers incidens contemporains. Il y a aujourd’hui une certaine stagnation qui s’explique naturellement sans doute par la place que prend la question d’Orient dans toutes les préoccupations. Voici cependant le moment où la vie politique va renaître dans quelques pays. D’ici à peu de jours, le parlement piémontais va s’ouvrir