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forces isolées ? Il y a de sérieuses réponses à cette grave objection. À quoi en effet ont servi au patriarcat de Constantinople les pouvoirs souverains dont il a joui durant des siècles et en toute plénitude sur les peuples chrétiens de la Turquie d’Europe ? À susciter contre son autorité des passions violentes, des défiances qui ne sont point éteintes et qui rejaillissent sur la race grecque elle-même.

On n’ignore point jusqu’à quel degré ces défiances sont poussées en Moldo-Valachie, et si les princes fanariotes en ont été les premiers auteurs par leur administration corrompue, les prêtres grecs qu’ils ont introduits à leur suite dans les principautés ont de leur côté puissamment contribué à les entretenir. Aujourd’hui l’église moldo-valaque est à demi indépendante ; il ne reste plus d’autres traces de l’ancien état de choses dans l’ordre religieux que les monastères relevant du Mont-Athos ou du Saint-Sépulcre, et encore occupés par des moines de nationalité grecque. Ce fait, suffit pour tenir en éveil la haine des Moldo-Valaques, et pour leur fournir un prétexte d’éternels reproches dans leurs rapports avec l’église de Constantinople.

Si chez les Serbes la réaction de l’élément national contre les Grecs a été moins passionnée qu’en Moldo-Valachie, c’est qu’ils avaient eu moins à souffrir de l’influence grecque ; mais sans prendre les armes, comme l’ont fait les Moldo-Valaques en 1821, pour chasser les Grecs de leur pays, ils ont eu soin du moins, à la suite de leur insurrection contre les Turcs, de stipuler que leur église ne pourrait être désormais administrée que par des prêtres serbes, à l’exclusion des Grecs.

Quant aux Bulgares, bien loin de la condition politique des Serbes et encore livrés aujourd’hui au clergé grec, leur premier vœu, c’est de s’y soustraire. Ayant beaucoup à désirer dans l’ordre temporel, ils regardent néanmoins la réforme de leur église comme le premier pas à tenter vers une situation meilleure. Les imperfections de l’administration turque leur pèsent moins que les vices d’une administration ecclésiastique sans lien avec le pays, et qui trop souvent, comme les anciens pachas, ne voit en lui qu’une ferme en location à exploiter en l’épuisant. Sur qui les bulgares font-ils retomber la responsabilité de leurs maux ? Sur le patriarcat de Constantinople, en qui ils ne semblent voir que la plus acharnée de toutes les influences ennemies. Aussi a-t-on pu remarquer récemment, à l’occasion du firman délivré par la Porte aux patriarches grecs pour garantir leurs immunités, que les Bulgares n’ont point partagé la joie causée à Constantinople et dans l’Asie Mineure par cet événement, plus favorable en effet aux Grecs qu’aux Moldo-Valaques, aux Serbes et surtout aux Slaves de Bulgarie. Envisagé de ce point de vue, le patriarcat grec aurait manifestement