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diriger toutes ses forces contre les princes afghans, Houmâyoûn retourna des frontières du Pandjab à Kâboul, et l’année 1554 se passa en préparatifs pour l’invasion de L’Hindoustan. Au mois de janvier 1555, l’empereur se mit en marche avec son fidèle généralissime, Behrâm-Khan, à la tête de quinze mille hommes de cavalerie. C’était une bien petite armée pour une si grande entreprise ; mais quinze mille hommes de bonnes troupes valaient mieux entre les mains du fils de Bâbăr que les multitudes indisciplinées que l’empereur afghan allait, lui opposer. Comme il traversait l’Indus pour entrer dans le Pendjab, on aperçut la nouvelle lune, ce qui fut considéré comme un présage des plus favorables. À quelques marches de là, au coucher de la lune, Houmâyoûn fit venir son fils, le fit asseoir vis-à-vis de lui, lut à haute voix plusieurs versets du Koran, et, à la fin de chaque verset, souffla sur la figure d’Akbar, s’imaginant placer ainsi le jeune prince sous la protection immédiate de Dieu et de son prophète[1]. Akbar ne tarda pas à justifier la confiance superstitieuse de son père, car, s’il faut en croire plusieurs des historiens du temps, à la bataille de Sirhind, qui fut livrée vers le milieu de 1555 et où les Afghans furent entièrement défaits malgré l’immense supériorité du nombre, ce héros adolescent (il était dans sa treizième année) paya si bien de sa personne, que les Moghols, animés par son exemple, semblèrent, selon l’expression persane, « avoir oublié qu’ils étaient mortels ! » Houmâyoûn, à la tête de son armée victorieuse, s’avança sans retard au cœur de l’Hindoustan, et rentra enfin dans sa capitale de Dehly après seize ans d’exil. Il ne jouit pas longtemps de ce triomphe, acheté par de si longues et si cruelles épreuves : un peu moins de six mois après son retour, il lit une chute à laquelle il ne survécut que trois jours[2]. Il n’avait pas encore complété sa quarante-neuvième année ; il laissait le trône à un enfant, mais cet enfant était Akbar.

Akbar, envoyé dans le Pandjâb peu après la bataille de Sirhind avec son gouverneur, Behrâm-Khan, pour combattre les Afghans, qui s’étaient ralliés sous les ordres du prince Sicandar-Sour, y reçut la nouvelle de la mort de son père. Il prit possession du trône à Kallanour le 14 février 1556. Il était alors âgé de treize ans et quatre mois. Comme son grand-père Bâhăr, il entrait, à peine adolescent, dans la vie politique, au milieu des agitations d’une époque fertile en désordres et en excès de tout genre, et dans un moment où le

  1. Encore aujourd’hui, cette pratique superstitieuse est en grand honneur parmi les musulmans, Dans uns possessions de l’Algérie, les descendans de Fatma, fille de Mahomet, ont la réputation de guérir plusieurs maladies en priant, soufflant sur le front et touchant le visage.
  2. Houmâyoûn mourut le 21 janvier 1556.