Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/910

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la résolution de s’affranchir d’une tutelle impérieuse, et, se rendant inopinément à Dehly, fit publier un édit qui enjoignait à tous les officiers du gouvernement de n’obéir qu’aux ordonnances émanées de son autorité (1560). Behrâm-Khan, après avoir vainement essayé de regagner la confiance de son maître, leva l’étendard de la révolte, fut battu par le jeune empereur, amené devant lui, implora et obtint le pardon de sa faute, avec l’autorisation d’entreprendre, aux frais de son indulgent souverain, le pèlerinage de la Mecque, et, au moment de s’embarquer, périt par le poignard d’un assassin. La fermeté, le jugement précoce, la force de volonté et les talens militaires déployés par Akbar dans ces circonstances difficiles le firent juger digne du pouvoir suprême : sa générosité envers un rebelle dont il ne voulut jamais oublier les anciens services lui gagna les cœurs. Le nouveau règne se leva sur l’Hindoustan avec tout l’éclat d’un jour radieux.

Akbar n’avait pas dix-huit ans quand il entreprit de gouverner seul et de faire face aux difficultés de toute espèce que rencontrait l’établissement de l’empire moghol. C’est une des anomalies les plus singulières de l’histoire que cette désignation appliquée à I’Hindoustan et aux pays voisins conquis par les Bâbérîdes. L’invasion de l’Inde par les Moghols, sous Tchinguiz-Khan, avait laissé des traces si profondes dans la mémoire des peuples, que, depuis cette époque ; l’épithète de Moghol fut appliquée par les Indiens à tous les musulmans du nord, les Afghans exceptés. Bâbar, grand-père d’Akbar, était d’origine tourke, mais descendait de Tchinguiz-Khan par les femmes. Bien qu’il détestât et méprisât les Moghols, l’empire conquis par lui, perdu et reconquis par son fils, définitivement établi et agrandi par son petit-fils, s’est appelé, en dépit de Bâbar et de ses descendans, « l’empire moghol. »

Akbar avait à faire reconnaître et respecter son autorité par les chefs militaires, compagnons d’armes de son père et de son tuteur, à recouvrer la plupart des domaines de la couronne, à rétablir dans ses états une administration régulière, dont les élémens avaient disparu au milieu de tant de révolutions. L’énergie et l’activité d’Akbar grandirent avec les exigences de cette situation. Les généraux qu’il employa d’abord montrèrent un esprit d’insubordination et des vues ambitieuses qui se manifestaient avec d’autant plus d’insolence, qu’ils avaient accompli avec des succès plus marqués la mission que leur confiait leur jeune souverain. Il étouffa ces prétentions naissantes tantôt par sa seule présence et l’autorité de sa conduite, tantôt par la force de ses armes, et lorsque des tentatives de rébellion prirent un caractère plus sérieux, un développement plus menaçant, il se montra si prompt et si habile à les combattre, si intrépide et si