Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/948

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peu nombreuses ; toutes les espèces sont confondues, et la division la plus naturelle qu’on puisse adopter au milieu de ce chaos, c’est encore, comme nous l’avons fait pour l’antiquité, de ranger d’un côté les animaux réels, et de l’autre les animaux fabuleux. Nous allons nous occuper d’abord de ceux qui nous sont connus, et l’on nous pardonnera, nous le pensons, la bizarrerie de certains détails, parce qu’ils sont indispensables pour faire comprendre le rôle que jouent les animaux dans la littérature, les monumens figurés, le blason, et même la jurisprudence du moyen âge.

Dans les légendes, les encyclopédies, les bestiaires, les mêmes individus reparaissent à la distance, de plusieurs siècles avec les mêmes attributs, le même caractère, et leur histoire est toujours défigurée par les mêmes mensonges. Le lion, en sa qualité de roi, tient le premier rang, et se montre, à de rares exceptions près, avec les qualités qu’on attribue à ceux qui sont investis de la puissance souveraine. Il est fort, courageux, clément. Lorsqu’il est courroucé contre l’homme, il suffit que celui-ci se jette par terre, et fasse semblant de crier merci, pour qu’il lui pardonne. Toutes les bêtes reconnaissent sa suzeraineté et ses droits de préséance. Lorsqu’il veut les tenir éloignées de lui, il trace une ligne sur le sol, comme pour dire : Ne passez pas ! et personne ne passe. Il est bon père, et ressuscite ses lionceaux rien qu’en soufflant sur eux, — époux fidèle, car la lionne seule a sa tendresse ; mais comme il aime sans partage, il veut être aimé de même, et quand sa femelle le trompe, il la punit sévèrement. Symbole de la vigilance, il dort les yeux ouverts, et pour échapper aux chasseurs qui le poursuivent, il efface avec sa queue la trace de ses pas. Cependant, comme il faut toujours que quelque faiblesse se mêle aux plus grands caractères, il a peur des femmes, du feu et des coqs blancs. — La panthère, dont un naturaliste du moyen âge fait un serpent tacheté, exerce un charme irrésistible sur les animaux, et n’a qu’un seul ennemi, le dragon. Lorsque après une chasse elle s’est surabondamment repue, elle dort pendant trois jours, et quand, à son réveil, elle se met à rugir, il s’échappe de sa gueule une odeur tellement suave, qu’elle surpasse en douceur tous les autres parfums. Averties par ses rugissemens, toutes les bêtes des forêts, sortant de leurs retraites, se pressent autour d’elle pour s’enivrer de son haleine, et tandis qu’elles lui font cortège, le dragon, son ennemi mortel, se trouve connue suffoqué et s’enfonce dans les profondeurs de la terre. — L’éléphant, représenté comme le plus chaste des quadrupèdes, émigré au printemps avec sa femelle, pour se retirer aux abords du paradis terrestre, et se livrer dans la solitude aux douceurs de la lune de miel. Pendant quelques jours, il ne mange que de la mandragore, et plusieurs mois après ce voyage, quand sa femelle