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aucun encouragement sur ce point du côté des ministres turcs, il semblait avoir abandonné cette idée. Cependant il parlait d’assurer des garanties d’indépendance aux patriarches grecs et de les faire nommer à vie, de définir et de développer le traité de Kainardji par une convention formelle entre les deux gouvernemens, de façon à assurer le protectorat religieux de la Russie sur les sujets grecs et arméniens de la Porte. Enfin l’intimidation se trahissait par la demande péremptoire d’une réparation pour la prétendue offense que les dernières vacillations de la Porte avaient faite à la dignité de l’empereur, par l’insistance avec laquelle on exigeait de la Porte une décision immédiate, par la menace de rompre les relations diplomatiques, si le divan laissait transpirer quelque chose des négociations, et de se retirer à Odessa, si les ministres cherchaient à les faire traîner en longueur. Ce système d’intimidation prenait un caractère plus grave, rapproché des préparatifs militaires et maritimes de la Russie, et surtout de la position du prince Menchikof, sous l’autorité duquel étaient placés les troupes et les vaisseaux suspendus sur la Turquie.

Les ministres ottomans annoncèrent à lord Stratford qu’ils n’avaient rien décidé encore : ils attendaient l’arrivée de M. de Lacour pour finir l’affaire des lieux-saints, qui ne leur donnait pas d’inquiétude ; mais les autres propositions du prince Menchikof excitaient leur anxiété. Leurs craintes se traduisaient, auprès de lord Stratford, en demandes d’avis, sans aller jusqu’à dire si leurs questions étaient motivées sur des communications positives de la Russie ou sur de simples hypothèses.

Lord Stratford donna à ses réponses le même tour hypothétique, et cependant traça sur-le-champ aux ministres turcs un plan de conduite habile et net. « Efforcez-vous, leur dit-il, de séparer l’affaire des lieux-saints des propositions ultérieures, quelles qu’elles soient, de la Russie. La marche que vous avez suivie pour cette affaire me parait la meilleure, et je suis heureux de voir qu’il y a chance de la terminer à la satisfaction de la France et de la Russie. Ce point réglé, quand le prince Menchikof viendra vous présenter des propositions nouvelles, vous serez parfaitement libres de refuser d’entrer en négociation, si on ne vous explique complètement la nature, l’étendue et les motifs de ces propositions. Si l’on veut les appuyer sur un traité existant, il faudra que l’on vous fournisse des explications semblables. Dans le cas où, après examen, on jugerait que ces propositions seraient de nature à établir en faveur d’une puissance étrangère une influence sur les sujets chrétiens de la Porte qui pourrait être dangereuse ou embarrassante pour l’exercice de l’autorité légitime du sultan, on ne saurait contester aux ministres