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ministres de la Porte. On travailla activement à l’arrangement de la question des lieux-saints. Maigre le fracas que la Russie avait fait des prétendus triomphes de l’ambition et de l’influence française, quand on en vint à l’examen sérieux des choses, il fallut bien reconnaître que les plaintes de la Russie avaient été démesurément exagérées. Il s’agissait d’abord de concilier pratiquement la note française et le firman grec de février 1852. M. de Nesselrode fit à ce sujet à sir Hamilton Seymour un aveu qui mérite d’être relevé : « J’ai eu, disait-il (6 avril), l’occasion de comparer la note de la Porte à l’ambassade française, datée du 9 février de l’année dernière, avec le firman communiqué à la Russie le 10 du même mois ; la différence est si insignifiante, que je ne comprends pas que le cabinet français ait élevé une question sur un point si peu digne de fixer l’attention[1]. » Sur qui, nous le demandons, de la France ou de la Russie, tombait le poids d’un pareil aveu, de la France, qui avait tout fait pour assoupir l’affaire, et qui avait consenti à toutes les concessions, ou de la Russie, qui avait choisi ce prétexte pour dénoncer l’insatiable ambition de la France, préparer des arméniens et menacer l’indépendance de la Porte ? Si quelques mois plus tôt M. de Nesselrode eût étudié la note et le firman, et eût exprimé une pareille opinion, quel motif sérieux eût-il pu donner à la mission du prince Menchikof ? Il y avait en outre à fixer deux autres points : la réparation de la coupole du saint-sépulcre et le règlement du service religieux des différentes communions dans l’église du tombeau de la Vierge. M. de Lacour à Constantinople, M. Drouyn de Lhuys à Paris, comprirent qu’il fallait se hâter, dans cette question, de ne plus laisser un prétexte aux plaintes et aux entreprises de la Russie. Lord Stratfford mit en présence le prince Menchikof et M. de Lacour, et grâce à l’esprit conciliant de notre ambassadeur, il amena entre eux une entente définitive sur ces dernières contestations. La coupole serait réparée aux frais du sultan ; le patriarche grec, qui prétendait d’abord diriger les réparations, ne serait admis qu’à donner des conseils ; dans la distribution des heures de service, les Grecs auraient les premiers la jouissance du sanctuaire, puis viendraient les Arméniens et enfin les Latins. Les deux firmans rendus par la Porte pour légaliser cette solution la lieraient pour l’avenir. La question des lieux-saints fut ainsi arrangée à la satisfaction du prince Menchikof. La France, outre la confirmation des petits avantages qu’elle avait obtenus l’année précédente, n’avait pas trop à se plaindre au fond d’un acte qui établissait le statu quo sur de pareilles bases, car, comme M. Drouyn de Lhuys le faisait remarquer à lord Cowley, l’expérience

  1. Sir G. H. Seymour to the earl of Claremdon. Corresp., part I, n° 142.