Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/1158

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

César, c’est là sans doute un spectacle qu’un seul homme pouvait donner aux générations à venir ! Mais lorsqu’on songe que durant les cent jours l’empereur ne parvint pas à nouer une seule négociation sérieuse, ni même à correspondre une fois avec l’impératrice Marie-Louise, et qu’il se trouva, dès le lendemain du 20 mars, en présence de la plus forte coalition qui eût jamais été formée dans le monde ; quand aux périls du dehors on joint les périls du dedans, et qu’à la veille d’une lutte où lui seul valait une armée, on voit une ; loquacité impuissante désarmer imprudemment le vieux bras de l’empereur ; quand on observe l’attitude comminatoire de l’assemblée, où le nom de balayette balançait l’autorité du sien, et qui, dans le cas d’un revers, laissait clairement entrevoir la perspective d’une déchéance ; quand on se dit enfin que de tous ces dangers aucun n’était imprévu, que de toutes ces épreuves aucune ne pouvait manifestement être évitée, on peut se demander si dans cet héroïque épisode de l’épopée napoléonienne l’intelligence politique fut à la hauteur de l’audace, et, si après avoir volé jusqu’aux tours de Notre-Dame, l’aigle n’était pas fatalement prédestiné à s’abattre sur le rocher de Sainte-Hélène.

Les cent-jours, loin d’avoir été la reprise de l’empire, n’en avaient été que l’éphémère parodie, et le grand acteur quittait la scène plus humilié que vaincu. Mais de quel prix la France et l’empereur n’allaient-ils pas payer cette rupture de toutes les conventions passées depuis moins d’une année ! La nation vit remplacer les dispositions du traité du 30 mai 1814 par celles du funeste traité du 20 novembre 1815, et à l’acte solennel qui garantissait à l’empereur Napoléon Ier tous les droits et tous les honneurs inhérens au caractère souverain se trouva substituée une convention entre les cinq puissances, qui fit du fugitif de l’île d’Elbe le captif de l’Europe, — et cette convention, réagissant jusque sur le passé, ne craignit pas de méconnaître en sa personne la dignité impériale dont l’éclat avait si longtemps rempli le monde, — dignité inamissible par sa nature même, et qu’il n’était donné au malheur d’effacer ni du souvenir des hommes ni des pages de l’histoire.

La France avait pu sans doute considérer comme sévères les dispositions du premier traité de Paris. La ramener aux frontières de Louis XIV, lorsque les trois partages de la Pologne, la conquête des Indes et les sécularisations germaniques avaient changé l’attitude de toutes les grandes puissances, ce n’était ni de la bonne justice, ni même de la bonne politique ; mais l’acte du 30 mai ne contenait pas du moins un seul article qui n’impliquât une haute considération pour le grand peuple victime à son tour des hasards de la guerre. À la voix du nouveau gouvernement que la France venait de se donner,