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religieux sont nombreux dans les vallées de l’ancien royaume de Kandy; leur influence sur la population des villes et des campagnes est d’autant plus considérable, qu’ils se recrutent dans tous les rangs de la société, sans distinction de caste. Au lieu de constituer une aristocratie religieuse comme les brahmanes de l’Inde, ils sortent du milieu de ce peuple dont ils dirigent l’enseignement. A chaque monastère est attachée une école où les enfans viennent apprendre à lire, à écrire, et où on leur enseigne les élémens de la religion bouddhique. Arrêtons-nous devant cette galerie ouverte par les côtés, qui abrite une troupe de jeunes disciples rangés en files : ceux-ci tracent sur le sable, avec leur doigt, les caractères fort compliqués de l’alphabet singhalais; ceux-là, courbés sur leurs cahiers composés de feuilles de palmier, lisent à voix basse, et avec un murmure pareil à celui des abeilles autour de la ruche, quelque passage des livres sacrés. Par momens ils lancent à pleins poumons des syllabes sonores, comme des rameurs qui se dressent sur leurs bancs et s’excitent à redoubler de zèle. Le maître promène sur eux des regards calmes et satisfaits; il a la conscience du respect qu’il inspire. Parmi ces étudians qui débutent dans la carrière, plus d’un passera sa vie dans le monastère où il est venu s’initier aux premières notions de la science. En le suivant pas à pas dans les diverses phases de l’existence qui l’attend, nous pénétrerons les secrets de la vie monastique des Singhalais, et nous saurons comment on devient moine à Ceylan.

Dès que l’enfant sait lire, on lui met entre les mains les livres qui parlent de la doctrine bouddhique, et surtout ceux qui racontent la vie de Gôtama, le père de cette étrange religion. Quelle existence fut plus abondante en miracles ? « Gôtama, fils de Soudhodhana, roi de Kapilavastou, dit le religieux à ses disciples, vint au monde pour apprendre aux hommes à se délivrer des maux de la vie. En naissant, il s’écria : « Je suis ce qu’il y a de plus élevé au monde; cette naissance est la dernière pour moi; je ne serai plus condamné à revivre. » A l’âge de cinq ans, durant une fête qui se célébrait en l’honneur du labourage, il se tint debout au milieu des airs... » Les jeunes auditeurs lèvent les yeux en l’air comme pour y apercevoir Gôtama suspendu à dix pieds au-dessus du sol, et le précepteur continue : « A seize ans, on le maria. Son père, ayant entendu dire que le jeune prince se vouerait à la solitude, s’il avait devant les yeux le spectacle de la décrépitude, de la maladie et de la mort, fit tous ses efforts pour éloigner de lui ces images désolantes. Ce que son père voulait à tout prix écarter de sa vue, Gôtama le rencontra bientôt, en se rendant au jardin où il avait coutume de prendre ses ébats : il aperçut un vieillard aux membres tremblans, appuyé sur un bâton; puis après, un lépreux couvert d’ulcères; puis enfin un cadavre en