Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/138

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’autorité paternelle ne perd jamais ses droits dans l’Inde, mais il ne sera pas admis à faire profession avant qu’il ait atteint sa vingtième année. Le choix de la résidence où il doit passer sa vie est une importante affaire pour le novice. Les traités de discipline bouddhistes lui ont appris les dix-huit inconvéniens que peut offrir un monastère. Dans un couvent trop considérable, où il y a beaucoup de monde, on parle beaucoup, il y a trop de concurrence aux portes des maisons voisines où l’on va demander l’aumône; la voix des jeunes adeptes récitant leurs leçons devient un objet de distractions. Dans un couvent neuf, il y a trop à faire pour approprier l’édifice aux besoins du service religieux; dans un vieux couvent, il y a trop à réparer. Si le monastère est situé près d’une grand’route, il faut à chaque instant se déranger pour recevoir les religieux qui passent; s’il est trop voisin d’un lieu où l’herbe abonde, des femmes y viendront en grand nombre conduire les troupeaux et chanteront de folles chansons. Qu’il n’y ait pas non plus à l’entour trop de fleurs odorantes dont le parfum trouble la raison à l’égal des voix féminines. Et puis il faut que le monastère soit à l’abri du contact des étrangers, des contestations qui s’élèvent à propos d’une barrière rompue par des bestiaux, des cris, des conversations mondaines, de tout ce qui peut agiter les esprits des religieux, les contraindre à effleurer même en passant les plus légers détails de la vie humaine. Il est bon aussi que ce sanctuaire de la retraite ne soit point trop exposé au vent, au soleil, aux mouches, aux moustiques, aux serpens, aux insectes que l’on pourrait tuer par mégarde et à ceux qui peuvent nuire. Enfin, s’il est situé sur la limite de deux royaumes, les princes des deux pays s’en empareront durant la guerre, et les religieux seront accusés d’espionnage par les deux partis.

Lorsque le novice, après mûr examen, a trouvé un monastère selon ses désirs, il déclare au supérieur des religieux son intention de renoncer au monde, puis répète la formule sacramentelle : « Je me réfugie en Bouddha, je me réfugie dans la vérité, je me réfugie dans la communauté des religieux ! » Par la récitation à haute voix des dix commandemens, il promet : « — de ne jamais tuer un être vivant, — de ne rien prendre qui ne soit donné à titre d’aumône, — de n’avoir aucun commerce avec les femmes, — de ne jamais parler contre la vérité, — de ne jamais boire de liqueurs enivrantes, — de ne prendre aucune nourriture après midi, — de renoncer à toutes sortes de fêtes, spectacles et plaisirs mondains, — de ne jamais se parer de fleurs et de ne point user de parfums, — de ne point s’asseoir aux premières places ni sur des sièges moelleux, — de ne jamais recevoir ni or ni argent. »

Le novice n’a pas seulement renoncé au monde et à ses joies, il