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Les cabanes des religieux, habitations de chétive apparence et bâties de manière à durer peu de temps, sont semées çà et là aux alentours des temples. Autant elles rappellent au passant la brièveté de la vie humaine, autant la pagode bouddhique, par la solidité de sa construction, éveille dans l’esprit l’idée de pérennité. Ces temples s’élèvent pour la plupart au sommet des rochers ou au flanc des montagnes, dans des situations pittoresques. En voyant les magnifiques horizons qu’ils dominent, on ne s’étonne plus que les anciens navigateurs aient placé le paradis terrestre dans l’île de Ceylan. Autour du temple, dont la partie saillante est le dagoba, ou coupole aux reliques, recouverte de tuiles, règne d’ordinaire une vaste cour plantée d’arbres qui produisent les fleurs destinées à être offertes à l’image de Bouddha[1]. Devant l’entrée de l’édifice se dressent des statues de pierre, sentinelles immobiles qui veillent aux abords du sanctuaire dans l’attitude respectueuse et grave des gardiens placés sous les portiques des palais. On les nomme gardiens de la porte. Le sanctuaire, faiblement éclairé par des lampes, ressemble à une crypte. Quand on tire le rideau qui en occupe le fond, la statue de Gôtama-Bouddha apparaît tout à coup aux regards, dorée, resplendissante comme un astre qui se lève dans les ténèbres. Le divin personnage est représenté, tantôt couché de toute sa longueur, la tête appuyée sur sa main, tel qu’il dut être quand il s’endormit du sommeil éternel, tantôt assis, les jambes croisées, et se livrant à la méditation, ou bien encore la main levée, dans la posture expressive du maître qui enseigne. Devant l’image, on voit une table chargée de fleurs dont le parfum embaume la voûte sombre de la coupole.

On compte aussi à Ceylan un grand nombre de temples creusés dans le roc, comme ceux d’Ellora, d’Éléphanta et de Malaïpouram. Le plus célèbre est celui de Doumballa, dont un savant orientaliste, M. Forbes, a parlé avec admiration. Dans un rocher haut de quatre cents pieds, des mains puissantes et habiles ont taillé deux temples distincts dont l’un n’a pas moins de cent soixante-douze pieds de long sur soixante-quinze de large. Sa hauteur, qui est de vingt et un pieds à l’entrée, diminue graduellement à mesure qu’on avance vers l’extrémité opposée. Au milieu de la caverne, qu’on atteint après une marche pénible sur le roc incliné et à travers les broussailles, on se trouve en face d’un colossal Bouddha couché, long de quarante-sept pieds. La statue, le lit, l’oreiller, sont sculptés dans le même bloc et ne forment qu’un seul morceau. Qu’on se figure l’effet de cette image gigantesque éclairée par des torches, et dont le

  1. A Abhayaguiri, non loin de Kandy, on admirait jadis un de ces dagobas plus élevé que le dôme de Saint-Paul à Londres, et dont la hauteur, considérablement réduite par l’effet des siècles, est encore aujourd’hui de deux, cent trente pieds. L’enclos de ce monastère occupe une étendue de près de deux milles anglais.