Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/187

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fameuse taxe des pauvres. Vers la fin du règne d’Elisabeth seulement, les idées commencèrent à changer, parce que, la population industrielle et commerciale venant à s’accroître, il devint nécessaire de cultiver plus de céréales pour la nourrir. Les seigneurs anglais n’avaient pas, pour agir ainsi, la même justification qu’eurent plus tard ceux de la haute Écosse, le pays qu’ils dépeuplaient étant infiniment plus susceptible de culture.

Walter Scott lui-même, le poète des clans, a reconnu hautement, quand de romancier il s’est fait historien, la nécessité de leur disparition. «Quand nous jetons les yeux, dit-il dans son Histoire d’Écosse, sur une perspective de montagnes par une belle soirée d’été, les rochers, les forêts et les précipices prennent dans le lointain les formes et les couleurs les plus attrayantes, et il faut un effort d’imagination pour se rappeler l’aspect stérile et désolé qu’ils présentent réellement. De même le système des clans montagnards, vu de loin et sous le mirage de la fantaisie, parle puissamment au cœur et à l’imagination ; mais il ne faut pas oublier combien il était ennemi de toute liberté et de tout progrès religieux et moral. Il suffisait du caprice d’un chef pour troubler à tout moment la paix du pays, soit en levant l’étendard de la guerre civile, soit en lâchant sur un canton des basses terres une troupe de bandits, l’assemblée dans quelque sombre vallée, comme des chiens dans un chenil, pour y répandre le pillage et la désolation. Quelque compassion qu’on puisse sentir pour ceux qui souffrirent de ce changement, quelque regret qu’on éprouve de voir détruire par la violence un état de société qui touchait par tant de points aux dogmes romanesques de l’antique chevalerie, il n’est pas un homme de bon sens qui ne reconnaisse qu’un gouvernement régulier n’en pouvait tolérer plus longtemps l’existence et qui s’afflige de le voir détruit.»

Comme des chiens dans un chenil, personne n’a jamais rien dit de plus fort, et Walter Scott ne traite ici que le côté moral et politique de la question, il néglige le côté économique, qui n’est pas moins important. Nous n’avons rien en France qui ressemble à ces tribus pillardes de l’ancienne Écosse, et sous le rapport de la police publique, nous n’avons besoin d’aucune transportation analogue; mais l’exemple des Highlands n’est pas tout à fait pour nous sans enseignement, en ce qu’il nous apprend à réfléchir sur les conditions d’existence de quelques-unes de nos populations rurales dans les pays stériles et improductifs. N’aurions-nous pas, nous aussi, sur quelques points de notre territoire, une population trop dense pour les facultés du sol qu’elle habite, et qui, tant qu’elle restera aussi nombreuse, ne pourra retirer du travail le plus opiniâtre que des fruits insuffisans ? Ne serait-il pas à désirer, autant dans l’intérêt