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L’archevêque de Mayence exhorta en secret l’électeur de Cologne et le comte palatin surtout à préférer le roi Charles, que le vœu des Allemands réclamait pour empereur. En effet, les villes impériales, dont Charles soutenait dans ce moment la cause contre les attaques du duc Ulric de Wurtemberg, s’étaient déclarées en sa faveur, ainsi que la plupart des comtes de la Franconie et des nobles des bords du Rhin. Ceux-ci avaient pour organe de leurs impérieux désirs à Wesel le comte de Kœnigstein, qui disait avec menaces « que, si les électeurs songeaient à élire le roi de France, eux mettraient le tout pour le tout jusqu’à la dernière goutte de sang pour l’empêcher, à l’aide de tous ceux en Allemagne qui n’entendaient pas être Français[1]. »

Les ambassadeurs de François Ier n’abandonnèrent point la partie. Ils s’agitaient extrêmement et allaient d’un électeur à l’autre. Ils furent secondés par les insinuations de l’archevêque de Trêves et par l’intervention ouverte des délégués pontificaux. Le cardinal de Saint-Sixte, l’archevêque Orsini et le protonotaire Carracioli invitèrent par écrit les quatre électeurs, au nom de Léon X, à choisir un empereur qui, par sa puissance et une habileté déjà éprouvée, fût en état de soutenir la république chrétienne chancelante, et à ne pas élire le roi de Naples, qui, d’après la constitution de Clément IV, ne pouvait pas devenir légalement le chef de l’empire. Ils les sommèrent de plus de leur faire connaître catégoriquement et sans ambiguïté leurs intentions à cet égard[2]. Les électeurs répondirent qu’ils ne s’étaient pas assemblés à Wesel pour s’y occuper de l’élection d’un roi des Romains; qu’ils chercheraient, lorsque le moment serait venu, à donner le protecteur le plus utile à la république chrétienne et le chef le plus convenable au saint empire; que le pape Léon X pouvait en être persuadé, mais qu’ils s’étonnaient eux-mêmes de cette sommation de sa sainteté, qui, contre l’usage depuis longtemps établi par les souverains pontifes et malgré sa modération habituelle, voulait leur imposer la loi en leur prescrivant ce qu’ils devaient ou faire ou éviter dans l’exercice de leur pouvoir électoral. Afin d’échapper à de nouvelles sollicitations de la part du légat, ils ne lui remirent cette réponse qu’à l’instant même où ils allaient quitter Wesel et remonter dans leurs bateaux.

Les troubles qui avaient déterminé leur entrevue et leur confédération avaient mis toute l’Allemagne méridionale en armes. Dès la fin de janvier, au sortir même des funérailles de l’empereur Maximilien, le duc Ulric de Wurtemberg avait attaqué, pris, pillé et gardé la ville impériale de Reutlingen. Ce prince turbulent et violent s’était

  1. Lettre de Henri de Nassau à la régente Marguerite, du 11 mars (archives de Lille), publiée dans Mone, p. 124.
  2. Goldast, Constitutiones impériales, vol. I, p. 439.