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aile de pinson. Dieu tout-puissant, prenez pitié de moi ! » Un vilain qui survient en ce moment lui conseille d’aller faire l’aveu de ses fautes à un ermite du voisinage. L’ermite lui conseille à son tour de se rendre à Rome et d’implorer son pardon du pape. Bien résolu cette fois à expier son passé par une pénitence sévère, Renart part pour l’Italie. Sa ferveur est si grande, qu’il prêche le long de sa route, et décide Belin le mouton et Bernart l’âne à l’accompagner auprès du souverain pontife. Cependant bientôt Ysamgrin, qui n’a pas oublié ses anciens griefs et qui cherche toujours à s’en venger, paraît suivi d’une bande de loups, et lui donne une chasse des plus vives. Il échappe encore à ce nouveau danger, et sent tout à coup se refroidir son zèle. « Ma foi! dit-il, je vais retourner chez moi, car dans le monde je pourrais être tenté de mal faire. On voit d’ailleurs une foule d’honnêtes gens qui de leur vie n’ont été en pèlerinage à Rome, et tel en est revenu pire qu’il n’était parti. Dans mon château de Malpertuis, je vivrai honnêtement de mon travail, et quand je serai riche, je ferai du bien aux pauvres. » Rentré chez lui, il s’occupe de choisir un métier, et, après les avoir passés tous en revue, il se décide pour l’agriculture. Le voilà qui laboure, qui plante et qui sème. Il se lève avant le jour, travaille comme le plus malheureux des serfs, et ose à peine manger; puis, à la fin de l’année, quand il fait ses comptes, il se trouve avoir dépensé cinq livres et n’en retire que quatre de sa moisson. « J’étais bien sot, se dit-il alors; la culture ne paie pas les peines qu’elle coûte, et le métier d’honnête homme est par trop dispendieux. Je m’en tiens à renardie. » Le voilà donc qui reprend ses vieilles habitudes; mais ses nombreux ennemis se liguent encore pour le perdre, et Ysamgrin l’appelle en combat judiciaire à la cour du lion. Cette fois il est vaincu, et Noble ordonne qu’on le pende. Alors, pour prolonger sa vie de quelques heures, il demande à faire des aveux et à se confesser. Sa prière est accueillie, et Belin le mouton l’exhorte à bien mourir. Un moine qui voit dresser la potence s’informe de ce qui se passe, sollicite sa grâce, et l’emmène dans son couvent. Renart, qui n’est jamais en défaut, se plie merveilleusement aux habitudes de son nouvel état :

Les signes fit del moniage,
Moult le tiennent li moine à sage.

On ne l’appelle plus que Frère Renart. Il édifie toute la communauté, quand, par malheur, un riche bourgeois donne au couvent quatre chapons gras. Renart, pendant les matines, s’esquive adroitement et va tuer les chapons. Le lendemain, le meurtre est découvert, et les moines le chassent comme un bandit. Pressé de remords, il essaie encore une fois de se convertir, et se confesse au milan; mais