Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/422

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à l’épaisseur du poing, tant l’homme de petite taille tenait l’autre serré en le maltraitant.

S’il y a donc quelque chose d’établi en mécanique et en physiologie, c’est que les mouvemens naissans sont peu étendus, mais irrésistibles. Alors, si nous considérons plusieurs personnes appuyant les mains sur le pourtour d’une table, au moment où il se sera établi de petits mouvemens de pression des doigts sur la table pour chaque individu, au moment où tous ces mouvemens agiront de concert, il en naîtra une force considérable, surtout si les trépidations musculaires des mains sont renforcées par une excitation nerveuse qui en centuple la force. On voit par là combien l’imagination peut avoir de puissance dans le développement de ces actions, et combien la présence d’un spectateur supposé mentalement hostile à la manifestation du phénomène peut influer fâcheusement sur les résultats. Le contact des doigts extrêmes peut aussi faciliter l’établissement de cette espèce de sympathie mécanique, je veux dire l’établissement de l’accord entre toutes les actions des opérateurs.

On s’est étonné de voir une table soumise à l’action de plusieurs personnes bien disposées et en bonne voie de mouvement vaincre de puissans obstacles, briser même ses pieds quand on les arrêtait brusquement : ceci est tout simple d’après la force des petites actions concordantes. Il en est de même des efforts faits pour empêcher une table de se soulever d’un bord en s’abaissant du côté opposé. L’explication physique de tout cela n’offre aucune difficulté.

On doit reléguer dans les fictions tout ce qui a été dit d’actions exercées à distance et de mouvemens communiqués à la table sans la toucher. C’est tout bonnement impossible, aussi impossible que le mouvement perpétuel, comme nous le montrerons bientôt. Voici comme on a constaté cette vérité, à priori non douteuse. On a mis sous les doigts des opérateurs posés sur la table du talc en poudre ou de minces lames de mica qui détruisaient l’adhérence des doigts à la table et empêchaient ainsi la communication du mouvement. Alors la table est restée immobile. L’expérience a été faite en France par M. le comte d’Ourches et en Angleterre par le célèbre physicien Faraday. La table alors n’a point marché, parce que les doigts ont glissé sans l’entraîner. On n’a pas manqué de dire que la lame de mica arrêtait le fluide moteur, comme elle arrête l’électricité ; mais en collant légèrement par les bords la feuille de mica à la table, l’entraînement a eu lieu, quoique le prétendu fluide dût être arrêté alors comme précédemment.

Une question importante à examiner expérimentalement, ce serait de rechercher jusqu’à quel point le contact des doigts des divers opérateur est nécessaire pour établir la concordance des actions qui détermine le résultat final. La volonté exprimée ou tacite d’un ou de plusieurs des opérateurs suffit-elle pour renverser le sens du mouvement ou pour décider des mouvemens concordans dans les organes de ceux qui coopèrent à l’expérience ? Une légère impulsion en sens contraire au sens du mouvement établi suffit-elle pour engager tous les organes posés sur la table à changer le sens de leur action ? Quand on opère des mouvemens de bascule haut et bas, comment la volonté d’un petit nombre des opérateurs ou même d’un seul en-