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J’entends déjà les réclamations de ceux qui me crient que la machine à vapeur n’a point été inventée par Watt. J’en conviens, et pour satisfaire tout le monde, Je dirai qu’après Watt la société fut en possession d’une ouvrière universelle qui fait traverser l’océan aux vaisseaux et tisse la dentelle, et qui, en Angleterre et en Belgique, n’exige qu’un franc de charbon pour le travail de vingt journées d’ouvrier, mais qu’avant Watt rien de pareil n’existait pour aider l’industrie. Puisque l’occasion s’en présente, je conviendrai aussi qu’avant Christophe Colomb on avait, sur le papier ou par la langue des philosophes, indiqué le Nouveau-Monde. Ce n’est pourtant que depuis Christophe Colomb que ce monde a été abordé. M. Arago a porté plusieurs fois à la tribune française le nom de M. Séguin, qui a fait courir les locomotives, dont le beau mécanisme, alors inefficace, était déjà dû à Stephenson. A la sortie de la séance, on réclamait, moi présent, contre l’assertion du savant député. « Je passe condamnation, répondit-il ; mais convenez qu’avant Séguin on mettait de huit à dix heures pour faire le chemin de Versailles, aller et retour, quand encore on ne restait pas en route, et que depuis lui on fait indéfiniment un kilomètre par minute. » Le télégraphe électrique n’est-il pas dû à Ampère, malgré tous les travaux antérieurs de Volta, d’Œrsted et même les essais de Lesage avec l’électricité ordinaire ? A ceux qui veulent déprécier le mérite des travaux modernes par d’injustes réclamations, rappelons ce mot aussi spirituel que profond de notre célèbre académicien M. Biot : « Dans les sciences, il n’y a rien de si simple que ce qui a été trouvé hier, mais rien de si difficile que ce qui sera trouvé demain. »

Pour compléter ce qui a été fait par l’homme avec les agens artificiels, disons qu’on a fait aussi travailler l’électricité et l’aimantation à la conduite des bateaux, à l’éclairage, à la médecine, etc. Toujours on est arrivé à la conclusion qu’il n’y avait point d’effet mécanique sans cause physique. Mille ans avant notre ère, Hésiode disait des cyclopes : « Ils avaient la force, l’activité et des machines pour leurs travaux. »

Ισχύϛ τʹἠδὲ ϐίη καὶ μηχαναὶ ἧσαν ἐπʹ ἔργοιϛ.

Il y a trois mille ans comme aujourd’hui, la seule magie du travail, c’était la force physique, l’énergie pour l’emploi de cette force et les mécanismes pour en transmettre l’action. Jamais on n’observe de travail matériel résultant de l’action immatérielle de la volonté. Il y a longtemps que la foi seule ne transporte plus les montagnes ailleurs que dans le style figuré, et que, la montagne ne voulant pas venir à Mahomet, Mahomet est obligé d’aller à la montagne.

De ce tableau des forces qui meuvent la matière, il résulte que dans l’explication des curieux phénomènes mécaniques et physiologiques des tables tournantes il faudra s’interdire toute intervention de la volonté seule pour produire des mouvemens ; et peut-on concevoir qu’au milieu du XIXe siècle ces vérités physiques, si vulgaires pour les écoles et pour le peuple lui-même, aient été méconnues par un grand nombre d’esprits éclairés, mais entraînés par l’imagination vers un espoir chimérique ? Quant à certains habiles qui