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grande préoccupation de sa vie. Une jolie tête blonde, de beaux yeux noirs, un visage qui s’épanouissait avec bonheur, et une peau d’un tissu si délicat que la moindre émotion la colorait d’un vif incarnat, telles étaient les qualités extérieures du jeune Lorenzo.

La vivacité de son esprit qui se prenait à toutes choses, la sagacité de ses reparties et la gentillesse de ses manières faisaient du fils de Catarina un enfant vraiment intéressant. Aussi, lorsqu’il jouait devant sa porte, ses longs cheveux blonds flottant sur les épaules, on s’arrêtait pour le voir, et les jeunes filles le prenaient dans leurs bras, le caressaient comme un bambino. Catarina était idolâtre de son enfant ; un regard, un baiser de Lorenzo la consolaient de toutes ses peines. Rien ne lui coûtait, aucun sacrifice ne lui paraissait impossible quand il s’agissait de ce fils bien-aimé. Elle aurait voulu lui alléger le poids de la vie et le couvrir de son amour comme d’une tunique sacrée qui le préservât des outrages de l’homme et de la nature. Qu’elle était heureuse lorsque, vers le soir, elle s’asseyait à la porte de sa jolie petite maison, sous l’ombrage frais d’une vigne généreuse et d’un grand figuier tout chargé de fruits délicieux ! Les derniers rayons du soleil venant expirer sur les feuilles de la treille infiltraient dans ce réduit paisible une lumière douce et mélancolique. Un pauvre chardonneret aveugle chantait tristement dans sa cage et semblait regretter la clarté du jour qu’il ne devait plus revoir. Catarina, tenant Lorenzo sur ses genoux, pressant entre ses mains sa tête charmante, lui disait de ces jolis riens, de ces ravissantes niaiseries de la tendresse maternelle dans le dialecte le plus mélodieux qu’il y ait au monde, le dialecte vénitien. — Tesoro mio, lui disait-elle, m’aimes-tu bien ? J’ai rêvé que tu voulais me fuir, est-ce bien vrai, viscere mie ! — Et, prenant au sérieux son propre badinage, elle fixait sur lui des regards attendris et pleins d’inquiétude. Le plus souvent ces mots sans suite étaient ajustés sur une cantilène suave très répandue parmi les habitans de La Rosâ. Pieuse et dévote comme une Italienne, Catarina mettait un soin extrême à remplir le cœur de son enfant de principes consolateurs. Dans l’effusion naïve de son âme, elle ne cessait de lui répéter : — Lorenzo mio, il faut être obéissant et laborieux, parce qu’ainsi l’ordonne celui qui est mort pour nous. Oh ! c’est qu’il aime bien les petits enfans, notre Seigneur Jésus-Christ ! Et quand ils Sont sages et qu’ils disent bien leurs prières, il les reçoit en paradis ? — Qu’est-ce qu’on voit en paradis, ma mère ? demandait Lorenzo — On y voit des anges et on y mange du pain d’or qui est plus doux que le miel, et si tu veux y aller aussi, il faut t’agenouiller soir et matin devant la madonna et la prier de le prendre sous sa divine protection.

Au nombre des qualités aimables qui distinguaient le jeune