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pourvu qu’on oste l’équivoque qui fait confondre les vraies vertus avec les fausses. Un de mes amis a changé quelques mots en plusieurs articles qui raccommodent, je crois, ce qu’il y avoit de mal. Je vous les lirai un de ces jours, si vous avez le loisir de me donner audience. »


Mme de Liancourt n’avait pas vu que cette équivoque, qu’elle relève avec raison dans le livre des Maximes, est le livre tout entier ; quelques mots ajoutés ne justifieraient le système qu’en le renversant.

Parmi les diverses lettres féminines que reçut en cette occasion Mme de Sablé, nous rencontrons celle d’une personne dont nous avons déjà dit un mot et que nous regardons comme une des dames les plus accomplies du XVIIe siècle, la belle-sœur de Mme de Liancourt, la duchesse de Schomberg, Marie de Hautefort, que La Rochefoucauld avait autrefois assez particulièrement connue. Mme de Sablé goûta fort la lettre de Mme de Schomberg et elle en fit part à plusieurs personnes ; mais, en amie zélée de La Rochefoucauld, elle commença par en retrancher ce qui pouvait lui moins convenir : elle l’abrégea, et en fit une sorte de discours sur les Maximes, comme l’appelle La Rochefoucauld. On l’a publiée en cet état, entièrement défigurée et disant souvent le contraire de ce que dit la lettre originale. Nous allons la rétablir dans son texte vrai, non d’après la lettre autographe que nous n’avons pu retrouver, mais sur une copie qui est dans les papiers de Mme de Sablé avec les corrections malencontreuses qui gâtaient jusqu’ici une des plus jolies lettres que nous connaissions, et où se sent encore ce parfum de délicatesse raffinée et de nobles sentimens qu’on respirait dans la jeunesse de Marie de Hautefort à l’hôtel de Rambouillet et à la cour de Louis XIII[1].

  1. Nous déplorons qu’il n’y ait pas un seul portrait du temps, ni peint ni gravé, de cette belle et aimable personne. Le père Lelong n’en indique aucun, et on ne se peut contenter de celui que Desrochers a donné dans la collection d’Odieuvre au milieu du XVIIIe siècle, sans indiquer l’original sur lequel il a travaillé. Voici du moins quelques lignes de Mme de Motteville, t. I, p. 48 et 49 : « Ses yeux étoient bleus, grands et pleins de feu, ses dents blanches et égales, et son teint avoit le blanc et l’incarnat nécessaire à une beauté blonde. » — Vie de Madame de Hautefort, duchesse de Schomberg, par une de ses amies, publiée d’abord en 1799, puis réimprimée en 1807 avec l’Histoire de Vittoria Accorambona, duchesse de Bracciano, p. 124 : « Mme de Hautefort est grande et d’une très belle taille ; elle a les cheveux du plus beau blond cendré que l’on ait jamais vu ; son teint est d’un blanc et d’un incarnat admirables ; elle a les plus beaux yeux du monde, si vifs et si pleins de feu, que l’on en voit sortir le même éclat qui sort de ses dimants si brillants et si beaux ; sa bouche est parfaitement belle, et d’un rouge si beau, que l’art n’en saurait imiter la couleur ; ses dents sont blanches, bien faites et bien rangées ; elle a le nez aquilin, et aussi grand qu’il faut pour lui donner un air de majesté admirable. Elle a dans son visage et dans toute sa personne un certain air de bonté et de majesté tout ensemble, si particulier, que tous ceux qui la connaissent assurent que l’on sent en la voyant de la joie, de la tendresse, du respect et de la crainte ; l’on est d’abord ravi de la voir, et l’esprit, tout prévenu aussitôt de sa bonté et de sa vertu, fait que le cœur est rempli de respect et d’amitié pour elle. » Voyez encore un admirable portrait fort détaillé de Mme de Schomberg, sous le nom d’Olympe, dans la troisième édition des Portraits de Mademoiselle ; nous n’en savons pas l’auteur.