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conflit qui s’est élevé entre vous et les Tartares; mais l’Angleterre possède à Shanghai de vastes établissemens, des églises, des magasins, etc., ce port est fréquenté par un grand nombre de nos navires : il importe donc que nous connaissions quelle serait votre conduite à l’égard des résidens anglais dans le cas où vous marcheriez sur Shanghai. Je compte remonter ce soir le fleuve à une courte distance. Demain c’est dimanche, jour de repos; nous ne pouvons donc traiter aucune affaire avant lundi. Je serai revenu dans la matinée de lundi et prêt à recevoir votre réponse. Si les quatre princes désiraient visiter le navire, je les verrais avec plaisir, et je leur promets un accueil convenable. »

Le 2 mai, la réponse suivante, écrite sur une pièce de soie jaune, fut apportée à sir George Bouham. Je cite ce document comme un spécimen authentique de la littérature politique et religieuse des rebelles :

« Nous, Yang, prince de l’Est, etc., et Seaou, prince de l’Ouest, etc., tous deux sujets de la dynastie céleste représentée aujourd’hui par Taï-ping, qui a reçu du ciel mission de gouverner, — aux Anglais qui depuis longtemps adorent la Divinité, et qui viennent se rallier à la cause de notre royal maître, nous adressons ce décret. Qu’ils se rassurent et ne conservent aucune inquiétude.

« Le Père céleste, le Maître suprême, le grand Dieu a créé, au commencement, le ciel, la terre, la mer, les hommes et les choses en six jours. Depuis cette époque, le monde n’a formé qu’une seule famille, et tous les hommes qui habitent entre les quatre mers sont frères. Comment dès lors pourrait-il y avoir la moindre différence entre les hommes ? Comment existerait-il aucune distinction de naissance ? — Mais, depuis que la race humaine a subi l’influence du diable, les hommes ont cessé de reconnaître les bienfaits de Dieu, notre Père céleste, et d’apprécier le mérite infini du sacrifice expiatoire accompli par Jésus, notre frère aîné. C’est pourquoi les hordes tartares et les Huns nous ont dépouillés de notre territoire. — Heureusement notre Père céleste et notre frère aîné ont déployé parmi vous. Anglais, les merveilles de leur puissance; vous avez continué d’adorer Dieu et Jésus, en sorte que la vérité est demeurée intacte et que les Écritures ont été conservées. Heureusement aussi, le Père céleste et Jésus notre frère ont envoyé un messager de leur miséricorde pour emmener au ciel notre royal maître, l’empereur céleste, auquel ils ont donné le pouvoir de chasser des trente-six cieux les influences diaboliques et de les reléguer dans ce bas monde. Et, par-dessus tout, il est heureux que le Père céleste, notre grand Dieu, manifeste sa miséricorde et sa compassion en descendant sur la terre le troisième mois de l’année mowshin (1848), et que Jésus, notre Frère aîné, le sauveur du monde, ait également daigné venir parmi nous le neuvième mois de la même année. Depuis six ans, ils ont admirablement dirigé les affaires humaines; ils ont déployé leur puissance, multiplié les miracles, en exterminant une foule de diables et en aidant notre céleste souverain à prendre le gouvernement de tout l’empire.

« Aujourd’hui que vous, Anglais, vous n’avez pas craint de franchir des myriades de lis pour reconnaître notre souveraineté, non-seulement les officiers et soldats de la céleste dynastie sont remplis de joie, mais encore, dans