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distraction, sans inquiétude d’aucune sorte, une entreprise si bien commencée. Malheureusement une injuste défiance de lui-même le fit hésiter en face d’un nouveau modèle. Lorsqu’il fut chargé de graver, d’après M. Hersent, l’Abdication de Gustave Wasa, il eut la regrettable pensée de négliger en partie les enseignemens de l’art ancien et de consulter plus particulièrement, pour l’exécution de ce travail, les exemples de l’école moderne.

Un artiste italien, d’un grand mérite d’ailleurs, M. Toschi, gravait à cette époque l’Entrée d’Henri IV d’après Gérard. Quelques épreuves d’essai envoyées à Paris circulèrent dans les ateliers et y produisirent une sensation très vive. La planche, pour nous servir d’un terme du métier, n’était encore que préparée, mais la préparation portait l’empreinte d’une verve si puissante, la masse de l’effet était indiquée avec tant de hardiesse, qu’il n’y avait qu’à s’incliner devant un talent de cette force et à voir dans cette ébauche le présage assuré d’un chef-d’œuvre. Rien de mieux. M. Henriquel-Dupont, en partageant l’enthousiasme de ses confrères, faisait sans doute acte de justice; ce n’était pas une raison pour pousser l’admiration si loin qu’elle dégénérât chez lui en zèle un peu inconsidéré d’imitation. Nulle analogie en effet entre le tableau de Gérard et celui qu’il s’agissait ici d’interpréter. L’Entrée d’Henri IV est un sujet de mouvement qui autorisait de la part du graveur la recherche de certaines qualités brillantes et une certaine fougue dans l’exécution. L’Abdication de Gustave Wasa au contraire n’est rien moins qu’une scène tumultueuse. L’entrain et la facilité du faire couraient risque d’introduire quelque incorrection là où une stricte précision était de mise et d’amoindrir par une apparence d’agitation le sens expressément calme du sujet. M. Henriquel-Dupont ne paraît pas avoir suffisamment approfondi, au moins au début, ces conditions particulières de sa tâche. Un peu trop séduit par l’exemple de M. Toschi, il voulut à son tour, dans la préparation de sa planche, faire preuve d’aisance et d’habileté de main. Lorsqu’il essaya, en terminant, de remédier aux inconvéniens de ce premier travail, il ne réussit qu’incomplètement à le modifier. Peut-être est-ce à la méthode adoptée pour l’ébauche qu’il faut attribuer le vide et la mollesse des premiers plans. Traités avec lourdeur, ils sont loin de rappeler le coloris ferme et fin à la fois du Portrait d’une Dame; ils ne ressemblent pas davantage aux morceaux exécutés ensuite par le graveur dans des cas analogues, et nous sommes d’autant plus à l’aise pour accuser le ton un peu pesant et le dessin un peu rond des premiers plans de Gustave Wasa, que M. HenriquelDupont s’est corrigé depuis longtemps de ce double défaut.

La préoccupation de la manière italienne qu’il est permis de