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se rappelait sans doute ces beaux modèles lorsqu’il gravait son Portrait de M. Bertin, et l’on doit avouer que s’il n’a pu égaler tout à fait les maîtres de notre vieille école, il a réussi du moins à s’assimiler en partie leur sage et noble manière. La planche de M. Henriquel-Dupont a d’ailleurs une grande supériorité sur les autres portraits modernes. Elle se soutient, au Cabinet des estampes de la Bibliothèque impériale, même à côté des chefs-d’œuvre de l’art ancien : que ne gagnerait-elle pas à être mise en regard du Portrait de M. Guizot, par M. Calamatta, — estampe où la fermeté du dessin ne rachète qu’à demi la bizarrerie du faire, — du Portrait du duc d’Orléans, par le même graveur, ou de celui de Pierre le Grand, gravé d’après M. Delaroche par M. Henriquel-Dupont lui-même! Dans les travaux de l’école moderne, nous ne voyons à opposer au Portrait de M. Bertin que le Portrait du prince de Talleyrand, par M. Desnoyers; encore la comparaison ne devrait-elle s’établir qu’entre les deux têtes, la planche de M. Desnoyers étant, pour tout le reste, fort inférieure à l’œuvre de M. Henriquel-Dupont. La seule imperfection sérieuse qu’il soit permis de reprocher à celle-ci est une certaine exagération dans l’intensité du coloris, une apparence un peu dure et quelque chose de chargé dans l’expression des tons solides. Le dessin et le modelé ont d’ailleurs la vigueur et la finesse de la peinture originale; les traits du visage, comme la physionomie qui les anime, sont accentués avec une intelligence singulière et une très remarquable précision.

En analysant ici les travaux de M. Henriquel-Dupont, nous avons indiqué ceux qui résument le mieux ses premières tendances, puis ses hésitations, enfin ses progrès définitifs. On courrait risque toutefois de connaître ce talent incomplètement, on n’asseoirait pas son jugement sur des preuves suffisantes, si l’on négligeait de rapprocher des estampes déjà mentionnées d’autres productions d’un genre plus humble, mais où le sentiment n’a pas moins de distinction, où la main n’est pas moins habile. L’œuvre de M. Henriquel-Dupont contient, à côté de sujets d’histoire et de portraits, — dont quelques-uns d’après des originaux dessinés par le graveur lui-même, — une multitude de petites pièces à l’eau-forte, à la pointe sèche et au burin. Depuis le Duc d’Orléans, d’après M. Eugène Lami, jusqu’au Mirabeau, d’après M. Delaroche, — vignette que les amateurs à venir rechercheront sans doute comme nous recherchons aujourd’hui les petits chefs-d’œuvre de Saint-Aubin et de Ficquet, — depuis le Mansard et le Perrault, gravés d’après Rigaud d’une pointe si spirituelle et si fine, jusqu’aux fac-simile de plusieurs dessins de M. Delaroche, jusqu’au Portrait de Mlle Rachel, d’après M. Lehmann, toute la partie secondaire de l’œuvre de M. Henriquel-Dupont