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« Vaublanc, du conseil des cinq-cents, le défenseur des colonies contre tous les usurpateurs.

« Le jeune Kellermann, qui, blessé, nous apporte vingt-cinq drapeaux de la part de Bonaparte.

« Le général Menon, qui s’est acquis une gloire immortelle en refusant de faire tirer sur les citoyens en vendémiaire.

« Le général Dumas, du conseil des anciens ; ce nom n’a plus besoin d’éloges.

« Lehoc, qui a été chargé de nos affaires en Suède.

« Zac-Matthieu, soutien de la constitution, comme tous ses amis du conseil des anciens.

« Portalis, du conseil des anciens, dont la mâle éloquence a renversé cent fois les noires entreprises des ennemis de l’intérieur, et dont on attend après-demain un rapport contre la calomnie, et les abus inséparables de la presse en sa liberté.

« Matthieu, commissaire général de l’année du général Moreau.

« Baudeau, général de brigade, aide de camp du général Moreau.

« Loyel, son second aide de camp.

« Ramel, colonel des grenadiers qui gardent le corps législatif.

« Et pour dernier et plus minime convive, votre ami, moi, l’observateur qui jouissais dans la plénitude de l’âme.

« Le dîner a été instructif, point bruyant, très aimable et enfin tel que je ne me souviens pas d’en avoir fait encore. Si vous aimez que votre ami voie bonne compagnie, celle-ci était excellente. Bonjour.

« Caron-Beaumarchais. »


C’est en avril 1797 que Beaumarchais figurait à ce dîner dont il nomme les convives assez singulièrement amalgamés un extrait de la république ; quatre mois après, le 18 fructidor, un coup d’état proscrivait la moitié à peu près de ces vingt-quatre convives. « Les députés du peuple, dit Gudin, étaient enlevés de leurs sièges sacrés, enfermés dans des cages ambulantes comme des bêtes féroces, entassés dans des vaisseaux et transportés à la Guyane. » Ce coup d’état républicain refroidit naturellement beaucoup le zèle républicain de Beaumarchais. « Il ne reconnaissait plus, ajoute Gudin, ni les hommes ni les affaires ; il ne comprenait plus rien aux formes et aux moyens employés dans ces temps dénués de règles et de principes. Il invoquait la raison, qui l’avait fait triompher tant de fois ; la raison était étrangère, elle était, si on ose le dire, une espèce d’émigrée dont le nom rendait suspect celui qui l’invoquait. »

Au milieu de ce tourbillon d’illégalités et de fraudes, il fallait que l’auteur du Mariage de Figaro, devenu sourd, dit-il quelque part, comme une urne sépulcrale, harcelé de créanciers, poursuivant des débiteurs insolvables et surtout son grand débiteur l’état, qui ne voulait pas le payer, recommençât sur nouveaux frais, à soixante-cinq ans, tout le travail de sa vie. Il semblerait qu’une situation aussi désastreuse eût dû suffire pour l’absorber tout entier ; il n’en est rien