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Le jour de ton départ, de nouveau je m’engage.
Ma foi ! vive la guerre et vivent les amours !

— Bien ! grommela Rousseau, mais trêve de discours.

— Bonne nuit, dit Muller, et vogue la galère !
À propos, qu’as-tu fait de Cléry ?… Le cher frère
Faiblissait aujourd’hui par cet air étouffant.

— Il est par là qui dort, calme comme un enfant.

— Eh bien ! donnons aussi sur l’une et l’autre oreille.
Jusqu’à ce que l’appel des clairons nous réveille !


III


Au premier point du jour, la diane au son clair
Éclate, et le canon tout à coup frappe l’air.
Nos soldats, à ce bruit, debout, prêts à combattre,
Du triomphe prochain purent voir le théâtre ;
L’aube, qui toute rose apparaissait aux cieux,
Révélait au regard un pays spacieux,
Les vastes horizons d’une terre inconnue,
Ici riante à voir, plus loin rocheuse et nue,
Du monde primitif authentique tableau.
un lac, dont le matin faisait frissonner l’eau,
Miroitait vers la droite ; à gauche, des collines
Se dressaient, et des bois baignés d’eaux cristallines ;
En face, et de vapeurs encore enveloppés,
Les sauvages plateaux par l’Émir occupés.

Alerte ! il n’est point temps de contempler un site.
La bataille déjà gronde et se précipite.
Au fracas des tambours, au refrain des clairons,
Ces sommets si hardis, nous les envahirons.
Ainsi l’ont annoncé les voix de l’espérance !
Il faut qu’avant ce soir les couleurs de la France
Flottent sur la montagne où le croissant hautain,
En signe de défi, brille encor ce matin.
Il le faut ! nos soldats, qu’aucun péril n’arrête,
Se sont tous élancés, l’œil sur l’horrible crête.
De ravins en ravins, sans faiblir un moment,
Ils montent au milieu d’un tourbillon fumant.
Partout la fusillade éclate et les décime ;
N’importe, leur élan poursuit toujours la cime.

Quand l’émir, s’épuisant en efforts superflus,
Jusques aux pieds des siens vit arriver le flux :
— Oh ! dit-il. si ce jour vous laisse une défaite ;
Vous êtes à jamais reniés du prophète ! -