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les affaires étrangères et la guerre. Ces cinq mois de ministère sont comme perdus dans l’histoire. Richelieu alors faisait les affaires et ne gouvernait pas. Le maréchal d’Ancre avait tout le pouvoir d’un favori, mais d’un favori de la régente et non du roi. Louis XIII le fit tuer pour le remplacer par le sien ; et Richelieu suivit Marie de Médicis dans sa disgrâce. Il composa en exil un livre de théologie contre les protestans ; puis rappelé près de la reine-mère, comme négociateur entre elle et son fils, il se remit peu à peu avec la cour, et la mort du nouveau favori, Albert de Luynes, vint lui rouvrir les voies du crédit (1621). Il employa deux ans à se faire nommer cardinal, et grâce à ce titre, il eut naturellement la préséance lorsqu’en 1624 il rentra au conseil ; cette préséance : devint bientôt une prépondérance qui se changea presque en souverain pouvoir.

Mais avant qu’il en fût là, c’est chose curieuse que de l’observer dans une position relativement médiocre, alors que l’Europe, que le public ignorait son nom, à une époque où les mémoires et les histoires tout à fait contemporaines ne parlent de lui qu’en passant et comme d’un subalterne, lorsque enfin, s’ignorant peut-être lui-même, il élevait péniblement l’édifice d’une fortune douteuse. Sa correspondance publique ou privée pendant ces douze années éveille naturellement la curiosité ; ce serait tromper le public que de lui dire qu’elle la satisfait. On s’attend à surprendre dans ces lettres la confidence des calculs et des agitations d’un candidat au gouvernement. On cherche avec empressement dans ces pages longtemps inédites le secret d’une âme prédestinée à commander. La jeunesse de Richelieu ! Ces mots ont un mystérieux attrait. Et sans doute il y a quelque chose à recueillir dans cette correspondance d’un maître futur de la France ; mais la moisson n’est pas bien riche, et l’on est à peine dédommagé d’une lecture assez monotone par quelques observations clair-semées que M. Avenel n’a pas manqué de recueillir dans son introduction, et qui ne nous apprennent rien de bien nouveau sur le fond de ce grand esprit et de ce grand caractère. Je dois même dire que si l’on ignorait ce qui se passa plus tard, entre 1624 et 1642, toute cette grandeur ne se révélerait pas dans ces lettres. On n’y verrait que l’expression dénuée d’originalité des préoccupations naturelles à un gentilhomme sans fortune, qui, mis en possession par faveur d’un évêché pauvre, travaille à s’élever et se prépare avec ménagement un avenir dont son œil est loin de mesurer la hauteur et l’étendue.

Ce n’est pas dans cette Revue qu’on se hasarderait à retracer dans son ensemble le gouvernement de Richelieu, ni même à esquisser le portrait du personnage. La tâche est faite, et ce que M. de Carné a