Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/789

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Valois, son exemple eût risqué d’être irrésistible. Je ne vois pas pourquoi il n’aurait pas eu l’ascendant de Henri VIII. Après lui, après qu’il eut au contraire ouvert la carrière de l’intolérance, il était trop tard ; Catherine de Médias pouvait bien se résigner assez lestement à prier Dieu en français, mais les partis étaient pris, les engagemens liaient les consciences et les vanités, plus fortes encore que les consciences. Paris d’ailleurs, Paris turbulent et dominateur, comme au temps du roi Jean et de Charles VI, avait fait son choix en se donnant aux Guise. La ville de la Saint-Barthélemy et du massacre des Carmes voulait un roi catholique. La réforme prise au point de vue politique n’était donc qu’un élément de désordre. Si elle n’eût pénétré en France, le clergé plus tiède fut resté plus sage. Elle isolait d’ailleurs, elle retirait pour ainsi dire du grand courant national les plus fermes esprits et les plus énergiques caractères. Son parti, quelque intérêt qu’il inspire par la justice de sa cause, n’en était pas moins un parti. Il réunissait peut-être les hommes les plus propres par leur nature, s’ils étaient restés libres, à servir l’état avec indépendance, à résister au pouvoir en le soutenant ; mais absorbés par leur foi et leur cause, la réforme les ôtait à la France. Ils formaient une nation dans la nation.

Comme Charles V, comme Charles VII après les revers et les déchiremens de la France conquise, le grand prince, éternel honneur de la maison de Bourbon, apparut aux peuples en vainqueur, en libérateur, en pacificateur. L’invasion étrangère, la guerre civile, l’anarchie, la tyrannie, le pillage, le massacre, tous les maux publics semblèrent fuir à tire-d’aile devant lui dans cette heureuse année de 1589 qui précéda de deux siècles une année plus mémorable encore. Henri IV, plus guerrier que les rois chevaliers, plus grand que les rois bourgeois, plus politique que les honnêtes et plus honnête que les politiques, avait connu toutes les fortunes et montré toutes les qualités qui font les grands hommes. La royauté arrivait dans ses habiles mains encore éprouvée, encore recommandée pour ainsi dire aux yeux de la nation comme l’arbitre des partis, la sauvegarde de l’ordre, le symbole du droit commun.


IV

On peut dire que le gouvernement de Henri IV était libéral ; mais il n’a fondé qu’une seule liberté, la liberté de conscience, donné qu’une seule charte, l’édit de Nantes. Son esprit, son temps, sa vie passée, lui en faisaient une loi. Aucune liberté d’ailleurs ne s’établit si l’on n’a combattu pour elle, et c’est pour celle-là que le XVIe siècle avait combattu. Henri n’a touché à aucune autre institution fondamentale.