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miraculeuses qui, depuis cinq ans, ont jeté dans la circulation un excédant de 2 milliards 1/2, sont-elles un phénomène éventuel ou bien un fait qui doit se perpétuer, et qu’il est temps de prendre en sérieuse considération dans la balance des intérêts ? Il nous semble difficile aujourd’hui de ne pas résoudre la question affirmativement, et, s’il n’y a pas trop d’exagération dans les renseignemens dont les Anglais et les Américains sont avides, les résultats de l’année dernière devraient être encore dépassés : nous ne serions qu’au début de l’âge d’or.

La fièvre californienne tend à se régler. Les lieux où l’on a chance de trouver l’or sont actuellement reconnus : ils forment, entre le 37e et le 40e degré de latitude nord, une bande allongée encaissée entre la Sierra-Nevada et les collines californiennes. Pour se faire une idée de la surface où les gisemens sont disséminés, il faut se représenter un carré mesurant cent lieues par chaque côté. On donne actuellement à ces terrains le nom de Mines du Nord en remontant la vallée du Sacramento, et celui de Mines du Sud quand on descend dans la vallée de San-Joaquin. Enfoui en terre plus ou moins profondément, enchâssé dans le quartz ou roulé par les eaux, l’or s’y trouve abondamment, le plus souvent en poudre, quelquefois par petits blocs, ou amoncelé dans des poches, comme le trésor lentement enrichi d’un avare. Le nombre des mineurs flotte, selon les saisons, entre 100 et 180,000. Au milieu des aventuriers qui se disséminent par petits groupes, sans autre outillage qu’une pioche, un crible et un fusil, commencent à s’établir des entreprises disposant des ressources du capital et de la science. Nous lisions dernièrement dans une revue américaine qu’une compagnie dite gold-hill quartz, fondée au capital de 5 millions de francs, possède deux moulins, l’un ayant une machine à vapeur de 25 chevaux conduisant dix-huit pilons et de force à écraser trente tonnes de quartz par jour, l’autre de 65 chevaux conduisant dix pilons et une scierie mécanique. Le quartz ainsi traité rend, dit-on, 72 grammes d’or par tonne anglaise de 1,016 kilogrammes. S’il n’y a pas là exagération de prospectus, la spéculation doit être fort lucrative, puisque le métal précieux est à la vile matière dans la proportion de 1 à 14,110, tandis que dans les mines de l’Oural cette proportion est de 1 à 400,000 au plus.

Et l’Australie ! Ce qu’on en raconte ne ressemble-t-il pas à un rêve fait après lecture des Mille et une Nuits ! Quoique les résultats soient déjà immenses, l’histoire est tellement récente, qu’on n’a pas encore eu le temps de la faire. L’Europe ne la connaît que par de vagues récits qui sentent la légende. On vous racontera qu’un sauvage au service d’un colon, voyant son maître serrer avec soin des pièces d’or, dit qu’il avait remarqué un gros morceau de pareille matière, et qu’il