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BULLETIN DE L'ASTRONOMIE ET DES SCIENCES POUR 1853 ET 1854.

Marche, marche !
(BOSSUET.)


I

L’attrait presque universel qui porte l’esprit humain vers les résultats des sciences les plus abstraites et les moins usuelles est peut-être le trait le plus singulier de cette curiosité inquiète, qui nous a été donnée pour observer et pour savoir. On demandait à Pythagore quel était le type caractéristique de l’homme ; il répondit : la connaissance de la vérité pour la vérité elle-même. N’est-il pas étonnant de voir l’espèce humaine, vivant des productions de la terre nourricière, suivant l’expression d’Homère, s’occuper de préférence des sciences purement intellectuelles et leur donner la plus grande part de son attention, à l’exclusion de celles qui ont pour objet la santé, l’alimentation, le bien-être matériel, et enfin tous les arts sans lesquels ne pourrait subsister la puissante organisation des sociétés modernes ? On s’informe plus volontiers d’une planète nouvelle, d’une comète brillante, d’une étoile qui surgit inopinément, que d’une route nouvelle, ouverte au commerce ou d’une découverte chimique qui pourra plus tard déplacer des populations entières. Ainsi des trois élémens qui forment l’essence de l’homme, les besoins, les affections et l’intelligence, c’est encore cette dernière faculté qui obtient la préférence. Tout le monde connaît ces belles paroles : « L’homme ne vivra pas seulement de pain, mais de toute parole émanée du Créateur. » Les musulmans regardent toutes les lois de la nature comme des paroles de la Divinité, et, pour en faire comprendre le nombre infini, ils disent que si toutes les mers étaient de l’encre et tous les arbres des roseaux à écrire, ce serait encore insuffisant pour enregistrer toutes les paroles de Dieu. Il est fâcheux qu’ils n’aient pas trouvé d’Image pour le papier comme pour le reste. Puisque je suis en veine de citations des docteurs de l’islamisme, bien plus favorables aux sciences qu’on ne le croit communément, je mentionnerai encore cette autre maxime, qui est un bel hommage rendu au savoir par des peuples éminemment fanatiques : Au jugement dernier, l’encre de l’écrivain sera estimée au même prix que le sang du guerrier.

L’année qui vient de s’écouler a plutôt continué les travaux scientifiques des années précédentes qu’elle ne s’est signalée par une de ces grandes découvertes qui font époque. L’astronomie s’est enrichie, de trois nouvelles petites planètes de ce groupe - situé entre Mars et Jupiter - qui aujourd’hui contient vingt-sept astres inconnus à l’homme avant le XIXe siècle. Quatre comètes, dont une visible pour le public, sont venues prendre place dans les archives du ciel. La fameuse comète qui doit revenir tous les trois cents ans et qui avait été annoncée pour 1848 n’a pas encore reparu, mais on sait par des calculs plus précis que son retour a été ajourné, et qu’on ne l’attend plus que de 1856 à 1860. Les travaux des observatoires du monde entier ont suivi leur progrès naturel. Un bel exemple a été donné par un industriel de Liverpool, M. Lassel, qui est en même temps un astronome excellent. Fatigué