Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/859

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les questionneurs qui s’adressent à ceux qu’ils croient initiés à ces infaillibles pronostics des mathématiques. Faisons de l’astronomie curieuse pour cette année ; mais notons que d’ici à 1861 une série d’observations uniques sur les planètes, les comètes, les éclipses, les particularités physiques des planètes, du soleil et des étoiles, viendra réclamer l’attention des amateurs.

Les éclipses cette année n’offriront rien de curieux en France et en Europe. Les marées ne seront pas d’une très grande force ; celles du 28 février, du 14 avril, du 13 et du 14 mai, du 9 et du 10 août, du 8 septembre et du 7 octobre seront les plus remarquables et amèneront assez d’eau vers Quillebeuf, à l’embouchure de la Seine, pour que les mascarets dont nous avons parlé dans la Revue[1] fassent un spectacle unique de déploiement en grand des lunes motrices de la nature. Les marées de septembre et d’octobre seront au-dessus de la moyenne, et mériteront d’avoir des spectateurs parisiens témoins de ce beau phénomène naturel ; c’est le même qu’observait, à ses grands périls, la flotte d’Alexandre à l’ouverture de l’Indus. « On était à la troisième heure du jour lorsque l’océan, soumis à des lois immuables, commença à envahir le fleuve et à le faire reculer. Les eaux, d’abord arrêtées, couraient ensuite vers leur source avec plus de rapidité que les torrens n’en ont en descendant des montagnes. » Suit l’énumération de tout ce que ce mascaret produisit d’accidens et de désordres pour la flotte échouée. Cette description de Quinte-Curce aurait pu littéralement être écrite aussi bien sur les rives de la Seine inférieure que sur les rives de l’Indus inférieur. Avis au lecteur sensible aux beaux spectacles de la nature obéissant à des forces étrangères à notre globe.

Les taches du soleil et les comètes seront aussi impossibles à prévoir que curieuses à observer. Les portraits daguerréotypes du soleil sont au premier rang d’utilité pour la théorie des taches du soleil, qui sont liées à la nature interne de cet astre. L’éclipse totale de soleil du 31 décembre 1861 nous dira sans doute bien des choses sur ces curieux problèmes physiques, attendons.

L’aiguille aimantée, dont la pointe était dirigée au nord précis en 1666, année de la fondation de l’Académie des Sciences, a, depuis cette époque jusqu’en 1816, toujours marché vers l’ouest. En 1816, M. Arago trouva qu’elle était stationnaire, et depuis ce temps elle revient vers le nord, où elle pointera de nouveau exactement en 1967, suivant M. Chazallon. Moi, je prétends que ce sera en 1966. C’est ce que nous verrons ! Quoi qu’il en soit, la déclinaison extrême que M. Arago avait trouvée, en 1816, de 22° 1/2, à partir du nord vers l’ouest, n’a été trouvée, en 1853, le 3 décembre, par M. Laugier, que de 20° 1/4 environ (20° 17’). Sous les règnes antérieurs au règne de Louis XIV, depuis 1571 jusqu’à 1660, l’aiguille déviait du nord vers l’est, et sans doute, dès le siècle de François Ier, la déviation de l’aiguille aimantée était déjà vers l’est. Aristote se jeta, dit-on, dans la mer d’Aulide, de chagrin de ne pas pouvoir pénétrer le mystère des marées de ce détroit poétique sur lequel les utilitairiens modernes ont eu l’insolence de jeter un pont. Je ne désespère pas de voir quelque jour un physicien, las des mille spéculations théoriques sur la direction de l’aiguille aimantée, se poignarder avec une de ces aiguilles,

  1. Voyez la livraison du 1er novembre 1852.