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que belle, dont le burin délicat de Poilly nous a conservé la ravissante figure, et que Louis XIV, par un juste respect de son mérite et de sa vertu, donna pour gouvernante à ses enfans ; Marie de Brissac, duchesse de La Meilleraye, belle aussi[1] et d’une humeur moins sévère ; la maréchale de L’Hôpital, Mme de Vassé, Mme de Gèvres, Mme de Canaples, Mme de Créqui, Mme de Puisieux ; cette jolie Mme de Saint-Loup ; Mlle de La Roche-Posay, si passionnément aimée du beau duc de Caudale, et qui finit par mêler si bizarrement, à ce que nous apprend Gourville[2], les restes d’une galanterie assez vive avec les commencemens d’une dévotion équivoque ; la duchesse d’Aiguillon, la digne nièce de Richelieu, belle et fière, habile et courageuse, fidèle à la politique de son oncle et inviolablement attachée au parti de la royauté ; Mlle d’Aumale de Haucourt[3], l’amie de Mme de Grignan, dont Mme de Sévigné loue plus d’une fois le mérite, et qui épousa le dernier maréchal de Schomberg, un des hommes de guerre faits pour tenir tête, avec Luxembourg, Catinat et Villars, à Guillaume, à Eugène, à Marlborough, et que la révocation de l’édit de Nantes chassa de France et poussa dans les rangs de l’ennemi ; Mlle de Vertus, une des sœurs de Mme de Montbazon, la tante de l’abbesse de Caen et de Malnoue, la compagne inséparable de Mme de Longueville, qui avait fort connu le monde et qui, jeune encore, se convertit, devint une austère janséniste, et, avec Mme de Sablé, entraîna vers Port-Royal l’illustre amie ; enfin l’une et l’autre duchesse d’Orléans, Henriette d’Angleterre et la palatine de Bavière.

Tant de lettres inédites ne peuvent manquer de contenir bien des renseignemens nouveaux et précieux pour l’histoire des femmes distinguées de cette grande époque ; mais comment embrasser toutes ces lettres, ou bien auxquelles s’arrêter ? Dans ce vaste recueil se détachent deux correspondances particulières, plus considérables que toutes les autres, celle de la comtesse de Maure et celle de Mme de Longueville, les deux amies les plus intimes de Mme de Sablé. Et dans ces limites mêmes il faut faire un choix, car chacune de ces correspondances exige une étude spéciale et étendue. Forcé de choisir, on se doute bien de quel côté seront nos préférences. Dès que Mme de Longueville paraît, le charme agit, et il ne nous reste qu’à la suivre, d’autant plus volontiers qu’avec elle nous aurons l’avantage d’accompagner Mme de Sablé presque jusqu’à sa dernière heure, tandis que la comtesse de Maure l’abandonne avec la vie au milieu

  1. Voyez le joli portrait de Moncornet fait en 1659.
  2. Mémoires de Gourville, collection de Petitot, t. LII, p. 304.
  3. Et non de Harcourt, comme on le met fort souvent et à tort, même les plus instruits, tels que M. de Monmerqué, dans Mme de Sévigné, t. IV, p. 445.