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La position de Jarnac à la cour était fort triste ; il avait presque tout le monde contre lui. Depuis la mort de François Ier, sa protectrice était exilée : cet arrêt d’exil avait été un des premiers actes du règne de Henri, ou pour mieux dire de Diane, qui au reste, — c’est une justice à lui rendre, — se borna à envoyer dans ses terres la duchesse d’Etampes et à remplacer dans les fonctions qu’elles occupaient toutes les créatures de l’ancienne favorite.

Il est curieux d’étudier la minutieuse procédure, aux formes tout à fait judiciaires, que les deux champions durent suivre pour pouvoir arriver enfin aux mains ; je n’en donne ici, pour abréger, que les pièces principales. Quelque longs, au surplus, qu’en furent les préparatifs, ce duel peut être considéré comme l’un des combats à outrance les plus promptement expédiés dont l’histoire ait conservé le souvenir. Les formes employées dans cette circonstance étaient celles que la jurisprudence ordonnait dans les rencontres en camp mortel. On se rappelle que François Ier et Charles-Quint se défièrent pendant plus d’un an, et qu’ils échangèrent de nombreux cartels[1] sans jamais pouvoir s’entendre ni sur le champ, ni sur les armes, ni sur les autres formalités. — L’affaire entre les sires de Mérode et de Bénavidès, à Mantoue, donna lieu à d’interminables discussions, aux dissertations et mémoires les plus savans sur la question de décider si les champions adapteraient à leurs cuirasses une certaine pièce de fer que le sire de Bénavidès, défendeur, exigeait ; le combat, en définitive, n’eut pas lieu. Je citerai encore pour leurs procédures les duels des sires de La Perrine et de Tinteville, et de Veniers contre Sanzay, tous les deux avec la permission et sous les yeux de François Ier, en 1537. Dans le premier cas, le sire de La Perrine entra seul en lice, son adversaire fit défaut : Sanzay et Veniers au contraire se battirent très bien, et le roi finalement les sépara en jetant son bâton doré dans la lice. Même issue d’un combat qui eut lieu en 1522 à Valladolid, devant Charles-Quint, entre deux gentilshommes aragonais, Pedro Torilla et Jieronimo Anca. Il n’est pas sans intérêt non plus de lire le défi ou défiance qu’adressa Louis, duc d’Orléans, à Henri IV, roi d’Angleterre, en 1402, et toutes les écritures qui en résultèrent.

Ces affaires donnaient presque toujours lieu à d’interminables contestations. Telles étaient les chicanes mises en usage quelquefois et les difficultés auxquelles les droits respectifs des parties pouvaient servir de prétexte, que Brantôme cite un gentilhomme qui se vantait

  1. C’est à Burgos que l’empereur reçut les premiers cartels de François Ier et de Henri VIII. Le héraut porteur de celui du roi de France se nommait Guienne ; le héraut d’armes anglais s’appelait Clarence.