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estre faite sur le discord fust au préjudice dudit de Monlieu. » A quoi M. d’Urfé répondit assez fièrement « qu’il resterait encore six heures du jour au sieur de Jarnac après qu’il aurait eu la victoire sur son ennemi ! » Il était alors dix heures.

Bientôt après fut apporté au même lieu, avec le même cérémonial et présens les mêmes juges, par les sieurs de Brion, de Lévis, d’Urfé, de La Garde et de Saint-Julien, deux brassards pour le bras gauche ; on pria M. d’Aumale d’en choisir un pour La Chasteigneraye. Le prince protesta avec beaucoup de force, disant que ce n’étaient point armes usitées, et déclara ne pouvoir les accepter ; mais, le cas référé devant le connétable et les maréchaux, il en fut décidé autrement, en raison du dernier paragraphe de la liste d’armes signifiée par Jarnac. La Chasteigneraye prit donc l’un des brassards et rendit l’autre.

Le fils du sieur d’Urfé, avec les autres amis de Monlieu déjà nommés, apportèrent alors deux épaulettes pour le bras gauche ; l’une des deux fut également choisie par l’assaillant, et l’autre rendue à l’assailli. Puis M. de Saint-Vanray et les amis du défendeur présentèrent un grand bouclier d’acier avec une pointe d’un quart de longueur et bien acérée, à quoi M. d’Aumale répondit que La Chasteigneraye ne s’était pas pourvu d’un bouclier de cette forme. Les juges du camp décidèrent que l’assaillant se procurerait une rondache pareille, ou se servirait de celle qu’il avait. Alors, pour trancher la difficulté, Monlieu proposa à son adversaire de choisir entre deux autres boucliers qu’il lui offrit : La Chasteigneraye prit l’un des deux.

Le fils de M. de Lorges et les précédens apportèrent un gantelet de fer pour la main gauche, qui fut accepté. Enfin MM. de Courtinier et de Beaumont, avec le même cortège et cérémonial, présentèrent successivement, — le premier, un jac de mailles, le deuxième, deux morions qui furent reçus par M. d’Aumale sans difficultés.

Toutes les armes défensives étant accordées, un héraut cria le ban suivant :

« Or oyez, or oyez, or oyez, seigneurs, chevaliers et escuyers, et toute manière de gens ! — De par le roy, je fais exprés commandement à tous que si tost que les combattans seront au combat, chacun des assistans ait à faire silence et ne parler, tousser, ny cracher, ny faire aucun signe du pied, de main ou d’œuil, qui puisse aider, nuire ny préjudicier à l’un ny à l’autre desdits combattans. Et davantage je fais exprès commandement de par le roy à tous, de quelque qualité et grandeur qu’ils soient, que pendant et durant le combat ils n’ayent à entrer dans le camp, ny à subvenir ny à l’un ny à l’autre desdits combattans, pour quelque occasion et nécessité que ce soit, sans permission de messieurs les connestables et mareschaux de France, à peine de la vie. »