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nous rendent compte de la position faite à la France et des devoirs que lui tracent ses intérêts et son honneur. On comprendra l’avide empressement avec lequel nous avons fouillé ces volumineux dossiers diplomatiques. Nous avons hâte de proclamer l’impression que cette étude nous a laissée : elle a confirmé tous nos pressentimens ; elle nous a démontré que les intérêts permanens et la dignité de la France sont directement en jeu dans la lutte qui commence ; elle nous a prouvé que dans cette guerre la France a le droit pour elle, et que pendant les négociations sa politique a été conduite avec intelligence, modération et fermeté. Une telle conviction, qu’on nous permette de le dire, est une satisfaction bien douce pour ceux que les révolutions ont éloignés de la politique active, mais dont elles n’ont pu détacher les ardentes sollicitudes de la fortune de leur pays ; nous serions heureux de la faire passer, telle que nous l’avons éprouvée, dans l’esprit de nos lecteurs.

Nous allons du moins l’essayer, en résumant aussi fidèlement que possible les correspondances officielles qui sont pour ainsi dire l’histoire en action de la crise actuelle. Cette histoire peut se partager en quatre périodes : la première est remplie par les négociations de la France au sujet des lieux-saints ; l’ambassade du prince Menchikof forme la seconde ; la troisième est marquée par l’intervention diplomatique des quatre puissances dans le différend turco-russe ; la quatrième, déterminée par le désastre de Sinope, conduit la France et l’Angleterre à la guerre avec la Russie. Dans chacune de ces phases, la situation et l’attitude des puissances se dessinent et se précisent d’une façon particulière. Il faut en quelque sorte noter pas à pas, dans les documens diplomatiques, cette marche progressive des choses et les évolutions des cabinets, pour bien voir de quel côté a été le droit, de quel côté l’injustice, pour apprécier la situation respective des divers gouvernemens vis-à-vis les uns des autres, et pour saisir l’enchaînement des obligations morales et des nécessités qui ont fini par contraindre la France et l’Angleterre à rompre avec l’empereur de Russie.


I

Il serait oiseux aujourd’hui d’entrer dans une exposition détaillée de ce litige épineux et confus que l’on appelle la question des lieux-saints ; on peut d’ailleurs la résumer en quelques mots. Les catholiques romains et les Grecs se disputent depuis des siècles la possession des sanctuaires de la Palestine et des lieux consacrés par les souvenirs de la vie et de la mort du Christ. Si les deux cultes n’avaient d’autres titres aux propriétés qu’ils revendiquent que les firmans