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de huit jours la démarche du général Aupick ; c’est une lettre de lord Stratford de Redcliffe (alors sir Stratford Canning) à lord Palmerston. Nous croyons devoir la citer, car il est curieux de voir l’origine d’une affaire a laquelle la politique russe a donné de si vastes proportions[1].

« Milord,

« Une question qui excitera vraisemblablement beaucoup de discussions et d’irritation est sur le point de s’élever entre les intérêts rivaux des églises latine et grecque dans ce pays. Le point en litige est le droit de possession à certaines parties de l’église du Saint-Sépulcre à Jérusalem. On accuse les Grecs d’avoir usurpé des propriétés qui appartiennent de droit aux catholiques romains et d’avoir à dessein laissé tomber en ruines les chapelles et particulièrement les tombeaux de Godefroy de Bouillon et de Guy de Lusignan. La légation française croit être autorisée par traité, — le traité, je crois, de 1740, — à entreprendre la revendication des droits allégués de l’église latine ; le consul français à Jérusalem, M. Botta, a été récemment ici, et repart pour seconder cette cause ; le général Aupick, qui a reçu des instructions de Paris et à qui je suis redevable d’une ouverture verbale à ce sujet, a réclamé une conférence, dans l’intention probablement de mettre cette affaire sous les yeux du gouvernement turc. Il parait que l’on a porté le pape à employer son influence en faveur des vues adoptées par la France, et que toutes les puissances catholiques seront exhortées par sa sainteté à agir dans le même sens.

« Le général Aupick m’a assuré qu’il s’agit simplement d’une question de propriété et d’une stipulation expresse de traité ; mais il est difficile de séparer une pareille question des considérations politiques, et une lutte d’influence générale, surtout si la Russie, comme on peut s’y attendre, intervient en faveur de l’église grecque, sortira probablement de la discussion imminente.

« La Porte, à mon avis, fera bien d’éviter de se commettre dans un sens ou dans l’autre sans la plus mûre délibération. »

Avant d’indiquer et d’apprécier l’attitude prise par les diverses puissances durant les phases de la question des lieux-saints, nous allons résumer succinctement les faits qui suivirent la présentation de la note du général Aupick. Cette note énonçait simplement le droit strict des Latins à la restitution des sanctuaires d’où ils avaient été exclus. Le ministre des affaires étrangères turc, Aali-Pacha, qui cherchait à gagner du temps, ne répondit que le 30 décembre 1850. Il annonçait la nomination d’une commission mixte chargée d’examiner les réclamations de la France ; mais un passage de son mémorandum, où il faisait entrer en balance avec les droits des Latins,

  1. Sir Stratford Canning to viscount Palmerston, may 30, 1850. — Correspondence respecting the rights and privileges of the Latin and Greek Churches in Turkey, part 1, n° 1.