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La physiologie fit bientôt son profit de la découverte de Jacobi, et les fécondations artificielles ont été depuis fréquemment reproduites dans les laboratoires. Est-il besoin de rappeler tout le parti qu’ont su en tirer Spallanzani, Prévost de Genève et M. Dumas ? Elles furent aussi d’un grand secours pour les études embryologiques, et c’est en employant ce moyen que deux zoologistes contemporains, MM.  Rusconi et C. Vogt, ont pu suivre toutes les phases du développement de la tanche et de la palée ; mais cette découverte marqua surtout un grand progrès pour la pisciculture, et pendant que la science se servait habilement de ce nouveau mode d’investigation, l’expérience pratique commencée par Jacobi fut reprise en Allemagne et en Écosse.

Dans son Traité de l’Exploitation des Étangs[1], M. Hartig donne la description du procédé de Jacobi et ajoute que cette méthode a été employée avec succès par le forestier Franke à Steinberg, dans la principauté de Lippe-Schaumbourg, ainsi que par M. de Kaas à Bückebourg. Les mêmes faits sont confirmés par M. Knoche[2], qui assure en outre avoir complètement réussi lui-même à la ferme nommée Œlbergen. Ce dernier agronome plaçait d’abord les jeunes poissons dans un petit réservoir, et l’année suivante il les transportait dans un plus grand bassin. « J’ai obtenu par ce procédé, dit-il, depuis six ans que je le pratique, environ 800 jeunes poissons sur 1000 à 1200 œufs. Après une année, je ne retrouvais dans la petite piscine que la moitié des poissons, soit que les autres fussent morts ou qu’ils se fussent échappés. Sauf cette perte, ils réussissent très bien, et j’ai fait depuis trois ans, sur les poissons obtenus de cette manière, une récolte de trois à quatre cents truites par an, qui étaient âgées de trois à quatre ans, et dont les plus grosses pesaient de trois quarts à une livre. » M. Vogt, dans une lettre récemment publiée qui reproduit ce passage de M. Knoche, nous apprend en même temps qu’un arrêt du gouvernement de Neuchâlel, rendu en 1842, donnait aux pêcheurs une instruction complète pour féconder artificiellement les œufs de poissons.

Quelques essais ont également eu lieu en Écosse et en Angleterre. Après avoir étudié pendant plusieurs années la manière dont les saumons fraient naturellement, M. John Shaw[3] essaya de réunir les conditions qui lui parurent les plus essentielles dans des viviers qu’il fit construire près de la rivière Nith. Ces réservoirs étaient profonds de deux pieds seulement et garnis d’un lit épais de gravier. Ils étaient alimentés directement par l’eau d’une source dans laquelle abondaient des larves d’insectes. Un grillage serré était placé au-devant des conduits par où le trop plein de celle eau devait sortir pour aller gagner la rivière. Ces dispositions une fois prises, M. Shaw féconda les œufs immédiatement au-dessous des points où l’eau tombait dans ses bassins, et les laissa se développer à la même place. Cette mesure lui réussit, et il put élever de la sorte un certain nombre de jeunes saumons pendant deux années et même plus. Il en profita pour faire des observations sur leur accroissement et leurs changemens de coloration. À l’âge de six mois, les jeunes saumons avaient deux pouces de longueur (mesure anglaise) ;

  1. Ernst Friedrich Hartig, Lehrbuch der Teichwirthschaft, p. 411, 1831.
  2. Zeitschrift für die landwirthschaftlichen Verein des Grossherzogthums Hesen, no 37, p. 407, 1840.
  3. Transactions of the Royal Society of Edinburgh, t. XIV, p. 547. 1840.