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de 6 à 7 centimètres de long et 1 centimètre de circonférence avaient acquis, après vingt-huit mois de ce régime, 33 centimètres de long et 7 de circonférence. M. Coste fait remarquer avec raison qu’on pourrait utiliser de la sorte les cadavres des animaux vertébrés qui ne servent pas à la nourriture de l’homme. Il ajoute que les insectes nuisibles serviraient tout aussi efficacement à engraisser les poissons. « On rendrait ainsi un grand service à l’agriculture, dit-il, car on finirait par la délivrer de l’un de ses fléaux. » Il est à regretter que le savant professeur ne soit entré dans aucun détail sur la manière la plus propre à amener la capture de ces insectes, dont les cultivateurs auraient tant d’intérêt à se débarrasser, lors même qu’ils ne trouveraient pas à en faire un emploi profitable.

L’auteur des Instructions pratiques sur la pisciculture a été ensuite appelé à s’occuper de l’organisation d’un vaste établissement de fécondation artificielle. En 1850, les deux ingénieurs du canal du Rhône au Rhin, MM. Detzem et Berthot, après s’être rendus à La Bresse sur l’invitation du préfet du Doubs, avaient pratiqué à Huningue les méthodes de Rémy et Géhin. À la suite de leurs premiers essais, ils s’étaient livrés à des calculs hypothétiques, desquels il résultait que la population actuelle des eaux de la France ne s’élève pas à vingt-cinq millions de poissons et ne rapporte pas annuellement 6 millions de francs (ce chiffre est en effet beaucoup trop fort), mais que si l’on appliquait partout les procédés de fécondation artificielle, le nombre des poissons serait porté, au bout de quatre ans, à trois milliards cent soixante-dix-sept millions cinq cent mille, et donnerait un revenu de 900 millions de francs[1]. À Lœcblebrunn, à quelques kilomètres d’Huningue, MM. Detzem et Berthot avaient posé les bases d’une grande piscine où en 1852 ils opérèrent de nombreuses fécondations en se servant d’une boite à éclosion qui ne diffère en rien de celle de Jacobi. Ils assurent y avoir obtenu des métis de truite et de saumon[2].

Le ministre de l’agriculture chargea M. Coste de visiter le nouvel établissement. Dans un rapport favorable sur les travaux de MM. Berthot et Detzem[3], le professeur du Collège de France demanda et obtint qu’un développement considérable fût donné à la piscine ou plutôt à la piscifacture d’Huningue, comme il proposa de l’appeler. Il y fit appliquer en grand un appareil à éclosion que nous aurons à décrire, adopta toutes les mesures qu’il jugea les plus convenables, et, dans son Mémoire sur les Moyens de repeupler les eaux de la France, il s’engagea devant l’Académie des Sciences à faire en juin 1853 une livraison de six cent mille truites ou saumons assez développés pour être jetés dans nos fleuves. Nous n’avons pas visité l’établissement d’Huningue, et nous ignorons s’il est organisé de manière à tenir une partie des promesses que ses fondateurs ont souvent formulées ; mais, d’après les renseignemens qui nous sont arrivés de plusieurs côtés, il paraîtrait que les succès n’ont pas toujours été aussi complets qu’on pouvait l’espérer d’abord. Il est donc fort à craindre qu’au bout de quatre ans et même

  1. Fécondation artificielle des poissons (Société d’émulation du Doubs), p. 18, 1851.
  2. Rapport sur les faits constatés à Huningue depuis le 8 mai 1851 jusqu’au 7 mai 1852.
  3. Instructions pratiques sur la pisciculture, p. 96.