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Puis d’autres, des vieillards, des femmes, des enfans,
— Et devant le chanteur les voilà tous dansons !
Lui, promenant l’archet sur la corde échauffée,
Reculait, les menant, joyeux, nouvel Orphée,
Vers l’autel de gazon où, devant le ciel bleu,
L’image rayonnait de la mère de Dieu.

Et chaque soir ainsi : des danses, des prières,
Puis des peuples errans fixés dans leurs chaumières.
Un temple fut construit, et l’Amphion chrétien
(Gardons les mythes purs de ce beau monde ancien)
Vit naître à ses accords la chapelle bénie…
O divine unité, fille de l’harmonie !


III


LA FLEUR DE LA TOMBE.


à mistress augusta holmes.


Des rives de l’Indus, des savanes lointaines,
Me voici de retour, plages armoricaines ;
Et déjà du passé vers moi je sens venir
Plus d’un amour pieux, d’un tendre souvenir.

Un soir je rencontrai, traversant la prairie,
Sulia, svelte enfant, compagne de Marie ;
Une fleur dans sa main brillait comme de l’or ;
Grave, elle murmura : « C’est l’âme de Grégor !
Bientôt viennent les froids : ce soir, au cimetière,
J’ai retiré la plante et sa motte de terre,
Et je veux l’abriter près de notre maison,
Pour la voir refleurir à la belle saison. »
Sous ses cheveux dorés, le pâtre au blanc visage,
Je l’avais bien connu : son âge était mon âge ;
Comme j’aimais Marie, il aimait Sulia ;
Le plaisir d’en parler tous les deux nous lia.
Pendant le catéchisme ou les libres dimanches,
Tout en cherchant des nids sous les épines blanches,
Oh ! les longs entretiens sur nos chères amours !
Récits toujours pareils, pleins de charme toujours !
Et les grands amoureux, les belles amoureuses,
Dont les yeux échangeaient des flammes langoureuses,