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un ensemble d’entreprises qui contribueront puissamment à la prospérité publique et doubleront les ressources du pays. Voilà comment le corps législatif s’est trouvé conduit à n’alléger que de 7 millions un budget de plus de 1,500 millions ! Ce n’est point d’aujourd’hui d’ailleurs que date cette difficulté de réaliser des économies ; elle remonte loin, elle tient à cette tendance universelle, qui existe depuis longtemps, à augmenter les dépenses, et quand ces dépenses ont pris un caractère en quelque sorte normal, il devient presque impossible de les diminuer, à moins de porter une atteinte subite à tous les intérêts qui s’y rattachent. Sous l’empire de cette tendance, les économies deviennent même quelquefois illusoires ; c’est ainsi, selon le rapporteur du budget, que la réduction de 17 centimes accomplie, il y a quelques années, sur l’impôt foncier se trouve presque compensée par les contributions additionnelles dont les départemens et les communes grèvent leur budget. La crise actuelle ne doit point suspendre toutes les entreprises, tous les travaux d’utilité publique qui sont en cours d’exécution : elle ne peut que rendre plus manifeste la nécessité de les renfermer dans les limites d’une stricte prudence, afin de mieux laisser aux ressources de la France leur libre jeu et leur développement.

L’Algérie, on le sait, occupe une grande place dans le budget français, comme elle est au premier rang dans les préoccupations du pays. Elle est inscrite encore au budget de 1855 pour une armée de soixante-huit mille hommes et quatorze mille chevaux ; mais cette armée est là pour achever une grande œuvre et en sauvegarder la sécurité. La conquête semble terminée aujourd’hui. Sans doute les événemens de l’Europe peuvent tenter quelques fanatiques et les pousser contre notre domination, dans l’espoir de la trouver affaiblie ; mais ce ne seront plus que des tentatives isolées, et l’année qui vient de s’écouler a montré cet exemple singulier et nouveau d’Arabes soumis à la France marchant d’eux-mêmes à la répression de mouvemens de ce genre. C’est donc, on peut le dire, la période de la colonisation qui commence aujourd’hui pour l’Afrique française, et le rapport récent du ministre de la guerre ne fait que constater les premiers résultats de ce travail colonisateur. Un des plus remarquables épisodes, c’est l’établissement de cette compagnie genevoise dont nous parlions l’an dernier, et qui a obtenu du gouvernement une concession de vingt mille hectares aux environs de Sélif. Un plein succès semble répondre à cette entreprise. Deux ans avaient été accordés à la compagnie pour commencer les travaux des dix villages qu’elle doit construire en dix ans, et après huit mois un premier village se trouvait non-seulement construit, mais peuplé. Il s’était offert de la Suisse à la compagnie plus de familles de colons qu’elle n’en pouvait accueillir. Le ministre de la guerre exprime avec raison le désir que, cette expérience faite, les conseils généraux de France reprennent un projet, qui leur avait été soumis, tendant à créer en Afrique des villages départementaux peuplés d’habitans d’un même département et portant son nom. Ce serait comme une seconde France transplantée au-delà de la Méditerranée, y portant ses usages, ses mœurs, et y enracinant son esprit au milieu des populations d’origine diverse.

Ce n’est pas du reste sur ce point seulement que les progrès de la colonisa-