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des quatre cours recommandaient au gouvernement français la modération, la sagesse, l’union et rattachement aux institutions constitutionnelles.

Les souverains et les ministres étrangers avaient quitté Paris ; mais pour accomplir avec plus de régularité et d’efficacité le devoir de protection et, jusqu’à un certain point, de tutelle dont les circonstances les avaient investis à l’égard du gouvernement de Louis XVIII, les envoyés des quatre cours prépondérantes avaient eu l’ordre de se former en une conférence permanente dans laquelle on examinerait fréquemment l’état du pays, les mesures qu’il pouvait rendre nécessaires de la part des alliés, et les conseils qu’il convenait de donner au cabinet des Tuileries. Le duc de Wellington, commandant en chef de toute l’armée d’occupation, était parfois invité à prendre part aux délibérations, et rien d’important ne se faisait sans son concours.

Le plus éminent des membres ordinaires de la conférence était certainement le général Pozzo di Borgo, ministre et plus tard ambassadeur de Russie. Les relations amicales que l’avènement du duc de Richelieu avait établies entre les cabinets des Tuileries et de Saint-Pétersbourg, la part qu’il avait prise lui-même aux événemens de la restauration, contribuaient, non moins que ses talens, à lui faire parmi ses collègues une position toute particulière. Il était évident que la Russie ne pouvait avoir qu’un but dans l’action qu’elle exercerait sur les affaires de notre pays, celui de hâter le rétablissement des forces de la seule des grandes puissances qui fût pour elle une alliée naturelle, de la seule qui, dans l’ordre des vraisemblances, ne pût avoir avec elle aucun point de collision et d’antagonisme. Il était, s’il est possible, plus évident encore que le général Pozzo, dont l’existence, longtemps incertaine et équivoque, n’avait pris un caractère vraiment considérable que depuis qu’il était devenu l’organe habile et influent des relations des deux gouvernemens, mettrait tous ses soins à les rendre plus intimes encore, et qu’il travaillerait avec d’autant plus de sincérité et d’ardeur à l’amélioration de l’état de la France, que son importance personnelle devait croître avec cette amélioration. La notoriété même de cette communauté d’intérêts, l’agrément de son esprit et de ses manières, l’apparence de franchise impétueuse qui s’unissait en lui à une extrême finesse, le rendaient particulièrement propre à intervenir dans les affaires du gouvernement du roi sans exciter les susceptibilités du sentiment national. Son attitude était celle d’un ministre français dévoué à son pays presque autant que celle d’un diplomate russe zélé pour le service de son maître. Sa tâche semblait être de confondre de plus en plus ces deux causes, entre lesquelles il existait en réalité tant de motifs de rapprochement, de les faire prévaloir contre la jalousie malveillante des autres cabinets, et, au besoin, de s’interposer pour prévenir tout malentendu,