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aux triomphes et aux traités de 1814 et de 1815 l’attachait fortement au maintien de l’alliance qui les avait produits. Habitué à traiter directement avec les princes et les ministres alliés, à recevoir d’eux les avances, les hommages, les flatteries qui ne pouvaient manquer au représentant de la puissante Angleterre, il aimait à se retrouver dans cette atmosphère diplomatique ; il s’y sentait plus à l’aise qu’au sein du parlement, en face d’une opposition qui ne lui ménageait pas les plus rudes attaques, ou même que dans le conseil, où il avait à compter avec des collègues moins accessibles que lui aux considérations purement européennes et plus préoccupés de la nécessité de ménager l’opinion ou les préjugés du pays. Il essayait de les amener à voir les choses comme il les voyait, et de les faire revenir de ce qu’il regardait comme des préventions. À peine arrivé a Aix-la-Chapelle, il écrivit le 4 octobre à lord Liverpool qu’autant qu’il en avait pu juger, il y avait eu plus de faiblesse que de calcul dans certains procédés assez suspects de l’empereur Alexandre ; que si, comme on l’affirmait, ce souverain avait écouté quelques propositions d’alliance faites par ses agens dans un esprit contraire aux intérêts anglais, si même il n’avait pas repoussé péremptoirement les ouvertures des révolutionnaires français réfugiés dans les Pays-Bas, il était maintenant tout à fait revenu de ces entraînemens, que ses protestations d’union et de bienveillance étaient sincères, et qu’il serait tout à fait hors de propos de lui témoigner de la défiance. Quelques jours après, lord Castlereagh, annonçant la prochaine conclusion des délibérations du congrès et rassurant son gouvernement, qui, à ce qu’il parait, avait craint qu’on ne voulût donner à ces délibérations une extension dont il se serait trouvé embarrassé, s’exprimait ainsi : « Il est satisfaisant de remarquer combien peu d’embarras et combien d’avantages réels et solides résultent de ces réunions dont on se fait à distance un si terrible épouvantail. Il me semble que c’est une découverte nouvelle des gouvernemens européens, qui tout à la fois éteint les fils d’araignée à l’aide desquels la diplomatie a coutume d’obscurcir l’horizon, met toute la portée du système dans son véritable jour, et donne aux conseils des grandes puissances l’efficacité et presque la simplicité des délibérations d’un seul état. »

J’ai reproduit les paroles mêmes de lord Castlereagh, qui, dans leur incorrection bizarre assez semblable à celle de ses discours parlementaires, peignent d’une manière assez vive l’enthousiasme avec lequel il se laissait aller aux erremens de la politique continentale. Le cabinet de Londres, qui ne partageait pas cet enthousiasme, crut devoir le réprimer. On s’occupait en ce moment à Aix-la-Chapelle de la rédaction de la déclaration qui replaça la France au nombre des puissances dirigeantes, et dont j’ai tout à l’heure rapporté les