Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 6.djvu/1275

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même de puissans adversaires. Dès 1849, les principaux écrivains belges sollicitèrent, par des pétitions adressées à la chambre des représentans, l’interdiction de la réimpression des ouvrages non autorisés ; ils firent ressortir le préjudice que cette industrie causait à la littérature nationale dont elle arrêtait l’essor. Voici comment s’exprima, dans la séance du 4 juin 1849, le rapporteur de ces pétitions : « La question que soulèvent les pétitionnaires a perdu de son importance depuis que la réimpression des livres étrangers a détruit en grande partie, par l’excès de la concurrence, l’avantage qu’elle avait à ne pas payer de droits d’auteur… Cependant la contrefaçon, justifiable au point de vue purement légal, n’en est pas moins contraire à tous les principes d’équité internationale. Il serait à désirer que le gouvernement belge cherchât, par la voie des négociations diplomatiques, à en procurer l’abolition. » La chambre des représentans adopta sans opposition les conclusions du rapport. Ce vote était significatif ; il donnait pleine liberté au ministère pour accueillir, à la première occasion, les vœux du gouvernement français, et dès ce moment l’on devait s’attendre à voir l’abolition définitive de la contrefaçon figurer au nombre des clauses consenties par la Belgique lors de la reprise des négociations commerciales.

Par conséquent, en abandonnant enfin la contrefaçon, le cabinet de Bruxelles ne faisait plus un grand sacrifice, et nous-mêmes, en obtenant cette clause, nous ne faisions plus un grand profit, puisque nous avions déjà trouvé le moyen de resserrer dans des limites étroites le débouché de la typographie belge. Toutefois, au point de vue moral, il ne nous était pas indifférent d’éteindre la contrefaçon dans son propre foyer et d’en finir avec cette production déloyale qui avait trop longtemps délié les efforts de notre diplomatie. Il faut donc accueillir avec empressement la satisfaction qui nous est donnée, et la placer au premier rang des concessions qui viennent de nous être faites par la Belgique.

Quant aux autres stipulations, elles assurent aux principaux articles français sur le marché de la Belgique un traitement favorable. Nous avons exporté pour ce pays, en 1852, une valeur de 30 millions de francs en tissus de soie, 13 millions de tissus de laine, 8 millions de vins ; pour ces trois articles notamment, nous conservons le régime avantageux qui avait été concédé à la France en 1845 ; nous jouirons même de faveurs nouvelles par suite de l’abolition de diverses surtaxes qui frappaient depuis 1845 quelques-uns de nos produits.

La Belgique a obtenu des avantages marqués en retour. Le débouché que nous offrons à son industrie linière lui est de nouveau garanti. On sait que la faculté d’exporter les produits liniers est pour les Flandres une question de vie ou de mort. C’est en vue de cet intérêt si pressant que le cabinet de Bruxelles a conclu les traités de 1842 et 1845, traités si violemment attaqués dans l’ensemble par l’opinion publique en Belgique, mais acceptés cependant ou plutôt subis par la chambre des représentans, parce qu’ils assuraient l’écoulement des produits des Flandres. Le traité du 27 février 1854 confirme ce qui avait été précédemment stipulé pour les fils, et il augmente dans une proportion notable les concessions applicables aux toiles, puisqu’il