Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 6.djvu/1294

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

était du moins dans une constitution commune qui viendrait relier les diverses parties de la monarchie. Si cette constitution n’est pas donnée, aucun lien ne retient plus le Slesvig, qui reste avec le Holstein dans l’orbite de l’Allemagne. C’est parce qu’elles ont pressenti ce danger que les chambres danoises ont engagé une lutte ouverte contre le ministère, en le sommant de remplir la promesse du 28 janvier 1852, c’est-à-dire de proposer à leur délibération un projet de constitution commune, ou de faire nommer, pour discuter ce projet, une assemblée générale de représentans des différentes parties de la monarchie. Le ministère a répondu par une double dissolution des chambres, par un projet de réforme de la constitution danoise de 1849, par la publication de la constitution particulière du Slesvig et par la préparation de celle du Holstein. La division de la monarchie se trouvera ainsi accomplie, et si elle n’a pas même ce lieu général d’une constitution commune, la nationalité danoise est entamée, le royaume de Danemark n’est plus qu’une province Scandinave d’une monarchie dont les deux autres portions sont allemandes.

C’est ici justement que peut s’exercer d’une manière favorable au Danemark l’influence des puissances occidentales. La France et l’Angleterre sont intéressées à ce que le Danemark, qui garde le Sund, conserve une intégrité politique indépendante et forte ; elles sont intéressées à ce que les institutions libérales, reçues avec reconnaissance, il y a bientôt six ans, par la nation danoise, et dont elle n’a nullement abusé, forment au nord de l’Europe, contre les envahissemens de la Russie, une barrière morale plus forte encore que l’indépendance politique. Puisque le Helstat rencontre tant d’obstacles intérieurs ou extérieurs, pourquoi la France et l’Angleterre n’aideraient-elles point le Danemark à le supprimer ? S’il est vrai, comme cela n’est pas douteux, que les états secondaires offrent par leurs sympathies secrètes aux puissances occidentales un concours précieux dans la lutte contre la Russie, pourquoi ne point seconder tout ce qui peut fortifier le Danemark en lui assurant la possession définitive du Slesvig, le Holstein restant comme il doit l’être, selon le droit public de 1815, un état allemand régi par des états provinciaux consultatifs ? La Prusse, il est vrai, peut offrir quelque obstacle : l’Allemagne, on ne l’ignore pas, tend à envahir aujourd’hui le Slesvig, demain le Jutland ; mais qui ne voit aussi que tout affaiblissement de la nationalité danoise, toute brèche à cette forteresse de la Scandinavie, est une issue et un triomphe pour la politique russe ? Au moment où l’Europe unit ses forces pour limiter les empiétemens de la Russie en Orient, on ne saurait oublier les points par où elle tend à peser sur l’Europe du nord, sur l’Allemagne, et par suite sur l’Occident tout entier.

C’est un ordre tout autre de problèmes qui s’agite de l’autre côté de l’Atlantique au moment où l’Europe est en armes pour soutenir son vieil et chancelant équilibre. S’il est aux États-Unis une question de nature à passionnelles esprits, et qui touche d’ailleurs aux plus puissans intérêts, c’est assurément celle de l’esclavage. Depuis longtemps déjà, la question de l’esclavage est le grand élément de discorde entre les états du nord et les états du sud. Plusieurs fois elle a été sur le point d’entraîner une véritable dissolution de l’Union, et si elle n’a point eu ce résultat en 1850, cela est dû peut-être uniquement au patriotisme de M. Clay, qui fit triompher alors son fameux com-