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LA POÉSIE SLAVE


AU DIX-NEUVIEME SIECLE


SON CARACTÈRE ET SES SOURCES.





Le retour à la poésie de race, aux sources populaires, tel est le fait le plus remarquable de l’histoire des littératures slaves au XIXe siècle. C’est par ce respect pour la tradition et les origines nationales que le mouvement actuel de ces littératures se distingue des périodes d’imitation et de tâtonnemens qui l’ont précédé. Du XVe au XVIIIe siècle, on peut dire en effet que la poésie slave n’a offert dans ses monumens écrits que la reproduction plus ou moins fidèle des littératures de l’Europe germanique ou latine. Au XIXe siècle au contraire, une vie nouvelle a pénétré dans cette poésie, et le gouslo[1], remis en honneur par quelques grands poètes, s’est substitué, comme source d’inspiration, aux influences étrangères. Dès lors, avec l’élément national, l’originalité et la vie se montrent dans la littérature écrite des Slaves comme dans leur poésie populaire. C’est tout ce réveil qui se poursuit encore sous nos yeux, c’est ce mouvement contemporain de renaissance que nous voudrions particulièrement étudier.

Comment s’est opéré ce mouvement ? comment a triomphé cette in- fluence du gouslo ? quels rapports pouvaient s’établir entre les poètes nouveaux et les chantres populaires ? C’est une première question à examiner et qui nous force à rappeler le lien qui unit la poésie des rapsodes ou gouslars, devenue la base de la poésie contemporaine des Slaves, à la vie de ces peuples et à leurs plus chères croyances.

  1. On le sait, sous ce nom, on comprend la poésie non écrite dont les rapsodes slaves, joueurs de gouslé ou gousla, sont les dépositaires. Voyez sur le gouslo la livraison du 15 Juin 1853.